pour deux violoncelles
Année de composition : 2004
DurĂ©e : 8â
Nomenclature : 2 violoncelles
âSâil y a bien un tableau rĂ©sumant lâatmosphĂšre de âLuciolesâ, il sâagit de âLâArbre aux Corbeauxâ de Caspar David Friedrich. Mais câest aussi trĂšs marquĂ© par les Ă©tĂ©s de mon enfance, passĂ©s Ă Marvejols dans un paysage Ă couper le souffle, que jâai abordĂ© la conception de lâambiance musicale de cette piĂšce : Ă cet Ă©gard, la premiĂšre partie illustre parfaitement lâatmosphĂšre qui y rĂ©gnait chaque jour au crĂ©puscule, avec les merveilleux parfums du soir et lâambiance sonore de tombĂ©e de la nuit.
âLuciolesâ est une piĂšce pour deux violoncelles, que jâai Ă©crite Ă la demande de RĂ©my Seguin.
Ă lâĂ©poque, je venais dâĂ©crire âĂchos ArgentĂ©sâ, qui nâavait pu ĂȘtre créée, câest pourquoi dans âLuciolesâ, jâexploite le motif de neuf notes prĂ©sent dans la derniĂšre piĂšce du cycle, et la fin de âCrĂ©pusculaireâ, dans une forme et un dĂ©veloppement en revanche indĂ©pendants (plus tard, jâexploiterai le dĂ©but de âCrĂ©pusculaireâ dans âNosferatuâ, la transposition Ă©tant alors minime entre les deux effectifs). Toute la piĂšce est construite sur ces neuf notes, ainsi que sur un deuxiĂšme Ă©lĂ©ment : une quinte en glissando puis trĂ©molo. ConstituĂ©e de deux parties trĂšs contrastĂ©es et dâune courte coda, âLuciolesâ propose deux traitements diffĂ©rents dâun mĂȘme motif, tous deux Ă©tant particuliĂšrement obsessionnels : lâun dans lâhĂ©sitation, dans la prĂ©sentation progressive, lâautre dans la rĂ©pĂ©tition incessante.
La premiĂšre partie, trĂšs simple, prĂ©sentant le matĂ©riau musical sous forme de mĂ©lodie accompagnĂ©e, Ă©voque surtout la tombĂ©e de la nuit, les grillons qui se mettent Ă chanter, les ombres se fondant dans les couleurs de moins en moins discernables de ce moment ni jour ni nuit appelĂ© « entre chien et loup », associĂ©e ici bien moins Ă la mort quâĂ une renaissance, puisque nous allons bientĂŽt assister Ă lâapparition des mystĂ©rieuses lucioles.
Car le titre constitue en vĂ©ritĂ© une piste importante de comprĂ©hension de cette Ćuvre : en effet, je lâai trouvĂ© trĂšs tĂŽt dans le processus de rĂ©flexion sur la matiĂšre musicale mise en jeu dans la piĂšce, en me documentant sur la bioluminescence. Jâai ainsi dĂ©couvert que les lucioles semblent ĂȘtre lâorganisme contrĂŽlant le plus prĂ©cisĂ©ment leurs Ă©missions lumineuses. En outre, suivant les espĂšces, elles possĂšdent une sorte de code « en morse » pour se reconnaĂźtre et communiquer, diffĂ©rent suivant les espĂšces. Plus Ă©tonnant encore, les lucioles, rĂ©unies sur un arbre, peuvent, durant toute une nuit, Ă©mettre leurs flashs lumineux, parfaitement synchronisĂ©es les unes avec les autres. Si lâune dâentre elles se dĂ©synchronise, elle va accĂ©lĂ©rer son rythme jusquâĂ avoir rattrapĂ© les autres.
Câest cette derniĂšre idĂ©e, Ă©minemment musicale, que jâai mise en jeu dans la deuxiĂšme partie de Lucioles. Ăvidemment, faire jouer les deux violoncelles en homorythmie Ă lâunisson nâaurait pas prĂ©sentĂ© un grand intĂ©rĂȘt, câest pourquoi jâai dĂ©cidĂ© dâappliquer ce principe non sur la synchronisation parfaite des parties, mais sur la synchronisation de la musique telle que je lâavais Ă©crite. En clair, il est trĂšs difficile pour les deux violoncelles dâĂȘtre parfaitement ensemble, les dĂ©calages sont quasiment inĂ©vitables. Pour re-synchroniser les musiciens, jâai donc Ă©crit Ă intervalles dâune demi-page plusieurs sections « accĂ©lĂ©rĂ©es » servant de point de repĂšre, et permettant aux deux violoncellistes de repartir ensemble pour la section suivante.â
⊠avec la partition de cinĂ©-concert dâAlexis Savelief