DĂ©couvrez cette famille dâinstruments trĂšs ancienne
Le royaume des vibrations
Les gongs, dans leur apparente simplicitĂ©, sont des instruments fascinants. Quâils soient coulĂ©s ou fabriquĂ©s Ă partir dâune feuille de mĂ©tal martelĂ©, une simple modification de leur design suffit Ă en changer le son ou le timbre. Plus la tension de la surface est forte plus le son est dĂ©fini. Un bord repliĂ©, une aire centrale rehaussĂ©e ou une forme lĂ©gĂšrement convexe, un mamelon au centre et le son devient plus prĂ©cis ; un martĂšlement dĂ©sordonnĂ© exagĂ©rĂ©, une absence de repli au bord et le son devient plus chaotique.
Pour qui nâa jamais entendu de prĂšs un gros gong, il est difficile dâimaginer la puissance de vibration de ces instruments, la perception physique par le corps. Le son peut littĂ©ralement ĂȘtre senti par le toucher autant quâentendu par lâouĂŻe ; câest dâailleurs un paramĂštre important pour ressentir quand câest le bon moment et de quelle maniĂšre frapper la surface du gong, sans quoi le gong peut sonner terne, sans lâĂ©clat dont il se pare habituellement. Par ailleurs, comme au Waterphone, le son des gongs, pas accordĂ© dans le sens littĂ©ral de la gamme occidentale, demande une sensibilitĂ© et une Ă©coute diffĂ©rentes, qui nâest parfois pas sans malmener lâoreille absolue !
Car contrairement Ă ce que lâon imagine bien souvent, un gong peut produire une grande variĂ©tĂ© de sonoritĂ©s : une fondamentale trĂšs profonde, quelques partiels assez proĂ©minents, un nuage de partiels secondaires excitĂ© par une frappe diffĂ©rente, des accords Ă part entiĂšre, etc. En plus dâune page dĂ©taillant chacun des sept gongs de ma collection, je propose donc deux âGuides de jeuâ non-exhaustifs, le premier consacrĂ© au jeu avec baguettes, le second au jeu avec des baguettes superball. Enfin, dans la partie âInteractivitĂ©â, vous pourrez mĂȘme jouer sur des gongs virtuels !
Une famille dâinstruments trĂšs ancienne
En musique, on fait gĂ©nĂ©ralement la distinction entre les gongs produisant une note dĂ©finie dâune part, et les gongs Ă son indĂ©fini dâautre part. Les premiers sont dĂ©signĂ©s sous le terme classique de « gongs », les seconds par le terme « tam-tams », Ă ne pas confondre avec le terme gĂ©nĂ©rique que lâimaginaire collectif associe Ă un tambour Africain. Paiste, le cĂ©lĂšbre fabricant Suisse de gongs, soutient que le seul terme historiquement correct est « gong ». Dâailleurs, ils appellent leur ligne de tam-tams Gongs Symphoniques.
Il est vrai que mĂȘme sur un gong de type tam-tam (chao gong) ou un wind-gong Ă son a priori indĂ©fini, on peut tout de mĂȘme percevoir des notes, notamment une fondamentale et des nuĂ©es de partiels, bien quâil soit difficile de reproduire les mĂȘmes sons dâune fois sur lâautre.
Mais tout ceci nâest quâune question de terminologie, et tant que les compositeurs souhaitant faire appel Ă des gongs Ă son indĂ©fini notent leurs partitions sur une portĂ©e avec clĂ© de percussion, on comprend quâun « tam-tam » est requis plutĂŽt quâun « gong ». Inversement, une partie de gongs notĂ©e avec une clef de sol ou de fa sera jouĂ©e probablement sur des gongs accordĂ©s Paiste ou des gongs thaĂŻlandais, sans que le terme ne pose plus dâambiguĂŻtĂ© que cela.
GĂ©nĂ©ralement, les gongs produisant un son dĂ©fini, dâailleurs pas forcĂ©ment accordĂ©s selon la gamme occidentale normalisĂ©e, sont ornĂ©s dâune bosse au centre, qui peut prendre le nom de « mamelon », « bosse », « dĂŽme », « monticule », « bouton », « coupelle », « bol » ou « coupole » (en anglais « nipple », « boss », « dome », « knob », « button », « cup » ou « cupola »). Leur diamĂštre est gĂ©nĂ©ralement moindre que les tam-tams, puisque plus le diamĂštre est important, plus les partiels sont potentiellement nombreux et le son moins prĂ©cis. Par ailleurs, le son des gongs fabriquĂ©s Ă partir de feuilles mĂ©talliques martelĂ©es est moins stable au cours du temps, car la surface, dont la tension initiale est obtenue par martĂšlement, peut se dĂ©tendre, notamment lorsque le gong est jouĂ© trop violemment. Un diamĂštre Ă©levĂ© implique Ă©galement une tension moins importante, et une susceptibilitĂ© accrue Ă une dĂ©tente plus prononcĂ©e.
On en trouve dans diverses rĂ©gions dâAsie, les plus rĂ©pandus Ă©tant les gongs thaĂŻlandais (de ThaĂŻlande et de Birmanie), que lâon peut maintenant se procurer accordĂ©s selon la gamme occidentale ; les gongs « bao » de Chine (dont le distributeur Dream Cymbal and Gongs propose une collection accordĂ©e qui couvre 3 octaves œ chromatiques) ; et bien sĂ»r les gamelans de Java et Bali, mais il en existe une multitude dâautres. Les gongs sont traditionnellement fabriquĂ©s en bronze coulĂ© puis martelĂ©, ce qui les rend particuliĂšrement lourds. Il ont gĂ©nĂ©ralement un bosse proĂ©minente au centre et un bord repliĂ© trĂšs profond. Pendant plusieurs dĂ©cennies, Paiste produisaient quant Ă eux une fantastique ligne de gongs accordĂ©s sur 4 octaves œ chromatiques, avec un mamelon au centre, une aire mĂ©diane rehaussĂ©e, une zone du bord fortement martelĂ©e et le bord repliĂ©, croisement entre leurs gongs symphoniques et les gongs accordĂ©s dâAsie. Ils Ă©taient fabriquĂ©s, comme les autres gongs Paiste, Ă partir de feuilles de leur alliage mĂ©tallique, qui Ă©taient chauffĂ©es et martelĂ©es pour leur donner forme et les accorder, ce qui les rendait bien plus lĂ©gers que les gongs coulĂ©s. Malheureusement, ils ont cessĂ© la production de cette collection de gongs au cours de la premiĂšre dĂ©cennie du XXIĂš siĂšcle.
Du cÎté des gongs non-accordés, on trouve bien sûr les gongs chinois, comme les gongs « chao » (tam-tams) et les wind-gongs avec leur envolée de partiels aigus proche du bruit blanc et du son des cymbales, mais également des gongs encore plus exotiques, comme les gongs « opera » et les gongs « tiger », dont le son monte ou descend aprÚs la frappe. Ces gongs sont généralement tout plats (gongs « chao » et wind-gongs), ou avec une sorte de plateforme trÚs particuliÚre au centre (gongs « opera » et « tiger »). Chez Paiste et Meinl cependant, leurs gongs symphoniques sont martelés plutÎt que coulés et ont un bord replié et une aire médiane rehaussée, leur son est donc un peu plus défini.
De nos jours, on compte quelques fabricants de gongs, certains trĂšs rĂ©putĂ©s et dâautres moins connus : Paiste, UFIP, Sona, Meinl, plusieurs fabriques dans la province de Wuhan en Chine, et des crĂ©ateurs tels Broder Oetken, Steve Hubback, Matt Nolan, Ryan Shelledy, Siri Datta, Shawn Aceto, Gongland, Grotta Sonora, etc.
Veuillez noter dĂšs Ă prĂ©sent que les gongs sont utilisĂ©s depuis plusieurs dĂ©cennies par des mouvements « New Age » pour des pratiques de yoga, de « sound healing » et de « sound therapy ». Pour ĂȘtre positifs, nous leur devons quelques expĂ©rimentations et de nouveaux designs de gongs ; câest le cas par exemple de Sona et de leur collaboration avec Tone of Life. Si certaines personnes appartenant Ă ces mouvances sont pragmatiques, et restent humbles vis-Ă -vis des bĂ©nĂ©fices et des limites de ces procĂ©dĂ©s — tout Ă fait valables par ailleurs —, rendant lâĂ©change riche et intĂ©ressant, dâautres diffusent et rĂ©pandent des thĂ©ories sans fondements scientifiques, juste parce quâuntel ou unetelle a accordĂ© du crĂ©dit Ă certaine thĂ©orie (et sans doute sans malignitĂ©, probablement par simple dĂ©sir dây croire ou par ignorance), chacun citant alors lâautre dans un mouvement de rĂ©fĂ©rence cyclique qui entretient et renforce la croyance les uns des autres. Pour ma part, je suis musicien et jâutilise mes gongs Ă des fins musicales et dâexpĂ©rimentation sonore uniquement, donc sur mon site, vous ne trouverez que des informations musicales et techniques, parfois une description subjective du son, mais aucune thĂ©orie fumeuse.
Pour plus dâinformations sur les gongs, leur fabrication, leur entretien, les mailloches, les portiques et bien plus, je vous recommande le livre de Philip McNamara âGongs and Tam-tams: A guide for percussionists, drummers and sound healersâ. Vous pouvez dâailleurs visiter son site qui contient dĂ©jĂ beaucoup de dĂ©tails. Un autre site intĂ©ressant est le site de Michael Bettine et son blog, The Way of the Gong. Enfin, je vous encourage Ă©galement Ă regarder le making of de Tone of Life, The World of Gongs, entretien documentaire entre Johannes Heimrath et Tom Soltron Czartoryski, qui comprend des images de fabrication des gongs.
Par ailleurs, si vous vous intĂ©ressez Ă la thĂ©orie derriĂšre le son des gongs en feuilles martelĂ©es, je vous conseille de vous reporter au livre de Bart Hopkin âMusical Instrument Design: Practical information for instrument makingâ, qui comporte un chapitre court mais intĂ©ressant sur les gongs. Cette lecture pourra ĂȘtre complĂ©tĂ©e par le chapitre sur les gongs et les tam-tams de âThe Physics of Musical Instrumentsâ de Neville H. Fletcher et Thomas D. Rossing.
⊠Laissez-vous envoĂ»ter par un voyage sonore au cĆur des gongs !