pour deux violoncelles
Commanditaire : Commande de Rémy Seguin
Année de composition : 2004
Durée : 8’
Nomenclature : 2 violoncelles (il existe aussi une version raccourcie AS#1a_2024 pour Violon & Piano, d’environ 6’)
Difficulté d’écoute : ** Intermédiaire
Nombre de notes : 1 942 notes
Nombre de mesures : 130 mesures
Nombre de pages (conducteur) : 6 pages
Nombre de pages cumulées (matériel) : 8 pages
S’il y a bien un tableau résumant l’atmosphère de “Lucioles”, il s’agit de “L’Arbre aux Corbeaux” de Caspar David Friedrich. Mais c’est aussi très marqué par les étés de mon enfance, passés à Marvejols face à un paysage à couper le souffle, que j’ai abordé la conception de l’ambiance musicale de cette pièce : à cet égard, la première partie illustre parfaitement l’atmosphère qui y régnait chaque jour au crépuscule, avec les merveilleux parfums du soir et l’ambiance sonore de tombée de la nuit.
“Lucioles” est en soi une pièce pour deux violoncelles, que j’ai écrite à la demande de Rémy Seguin.
À l’époque, je venais d’écrire “Échos Argentés”, qui n’avait malheureusement pu être créée comme prévu, c’est pourquoi dans “Lucioles”, j’exploite le motif de neuf notes présent dans la dernière pièce du cycle, ainsi que la fin de “Crépusculaire”, dans une forme et un développement en revanche neufs et indépendants — plus tard, j’exploiterai le début de “Crépusculaire” dans “Nosferatu”, la transposition étant alors minime entre les deux effectifs —. Toute la pièce est construite sur ces neuf notes, ainsi que sur un deuxième élément : une quinte en glissando puis trémolo. Constituée de deux parties très contrastées et d’une courte coda, “Lucioles” propose deux traitements différents d’un même motif, tous deux étant particulièrement obsessionnels : l’un dans l’hésitation, dans la présentation progressive, l’autre dans la répétition incessante, lancinante, presque à la manière d’un mouvement perpétuel.
La première partie, très simple, qui présente le matériau musical sous forme de mélodie accompagnée, évoque surtout la tombée de la nuit — les grillons qui se mettent à chanter, les ombres qui se fondent dans les couleurs de moins en moins discernables de ce moment plus encore jour, pas tout à fait nuit, que nous appelons « entre chien et loup » —, associée ici bien moins à la mort qu’à une renaissance, puisque nous allons bientôt assister à l’apparition des mystérieuses lucioles.
Car le titre constitue en vérité une piste importante de compréhension de cette œuvre : en effet, je l’ai trouvé très tôt dans le processus de réflexion sur la matière musicale mise en scène dans la pièce, en me documentant sur la bioluminescence. J’ai ainsi découvert que les lucioles semblent être l’organisme vivant contrôlant le plus précisément ses émissions lumineuses. En outre, elles possèdent une sorte de code « en morse » pour se reconnaître et communiquer, qui varie d’une espèce à l’autre. Plus étonnant encore, les lucioles, réunies sur un arbre, peuvent, durant toute une nuit, émettre leurs flashs lumineux, parfaitement synchronisées les unes avec les autres. Si l’une d’entre elles se désynchronise, elle accélère alors son rythme, jusqu’à avoir rattrapé le groupe.
C’est cette dernière idée, éminemment musicale, que j’ai mise en jeu dans la deuxième partie de “Lucioles”. Évidemment, faire jouer les deux violoncelles en homorythmie à l’unisson n’aurait pas présenté un grand intérêt, c’est pourquoi j’ai décidé d’appliquer ce principe non sur la synchronisation parfaite des parties, mais plutôt sur la synchronisation de la musique telle que je l’avais écrite. En clair, il est très difficile pour les deux violoncellistes d’être parfaitement ensemble, les décalages sont quasiment inévitables. Pour permettre aux musiciens de se re-synchroniser, j’ai donc écrit, à intervalles d’une demi-page, plusieurs sections « accélérées » en guise de points de repère, ce qui leur permet de repartir ensemble pour la section suivante.
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