Le logiciel de notation musicale de demain…
… dès aujourd’hui !
Le logiciel de notation musicale de demain…
dès aujourd’hui !
Vous pouvez également lire la transcription de la vidéo ci-dessus, “Que Vaut Dorico ?”, qui vous offre une belle visite guidée de Dorico.
Et ne manquez pas la vidéo que j’ai tournée pour vous présenter Dorico version 5 !
Le présent article vous parle de Dorico Pro v.1 à v.3.5
Contexte et perspectives : Les logiciels de notation musicale ces dernières années, et la gestation de Dorico
Dorico, nouveau venu parmi les logiciels de notation musicale vétérans que sont Finale et Sibelius, est sorti sur le marché le 19 octobre 2016 dans sa toute première version, voici maintenant déjà quatre ans. Après des années d’utilisation de Finale professionnellement, à la fois en tant que copiste musical, professeur (notamment professeur de notation musicale avec Finale au CRD de Gennevilliers) et surtout compositeur, j’ai moi-même suivi avec beaucoup d’intérêt la gestation puis la sortie de la version 1 de Dorico, suivie un an et demi plus tard par la version 2, renommée Dorico Pro 2. Aujourd’hui, Dorico Pro est en version 3.5.10. Et quel chemin parcouru depuis la toute première version !
Mais regardons un peu le contexte de cette sortie, avant de nous intéresser aux détails techniques et pratiques du logiciel à proprement parler.
Steinberg, éditeur de solutions pour la production musicale
Dorico est développé par une partie de l’équipe des anciens développeurs de Sibelius, licenciés par Avid en juillet 2012 et embauchés dans la foulée par Steinberg, éditeur entre autres du célèbre séquenceur Cubase (dont Dorico hérite du moteur audio), décliné en plusieurs versions touchant une gamme d’utilisateurs différente, bien connu des studios d’enregistrement et des possesseurs de home-studios… On peut également citer Nuendo, cousin de Cubase et proposant des fonctionnalités destinées à des usages un peu différents.
Bref, sans avoir trop à creuser la question, Steinberg est un acteur solidement implanté dans le milieu de la production musicale, un atout important pour parvenir à s’imposer dans cette niche qu’est la gravure de partitions de musique. Faisant partie du groupe Yamaha, on peut supposer que Steinberg a potentiellement les reins solides pour se permettre d’entrer dans la course pour le long terme, plutôt que pour un sprint oublié aussitôt qu’accompli. Se lancer dans le développement d’un logiciel de gravure musicale permettra ainsi sans doute à Steinberg de créer à terme des passerelles entre ses différents logiciels, et de proposer une suite complète de solutions et d’outils pour les musiciens, quel que soit leur rôle précis et leur place dans la chaîne de production.
La création précoce d’une communauté autour de Dorico
Dès le mois de février 2013, donc, le blog de Daniel Spreadbury, Making Notes, nous tenait informé de l’avancement du développement et de la réflexion menés depuis le début du projet ; un moyen de construire et de fédérer une communauté, tout autant que d’impliquer les utilisateurs avant même le début du codage ! Un moyen également de dialoguer et de prendre en compte les discussions, requêtes et suggestions ressortant des échanges avec les premiers membres de cette communauté, permettant de cibler plus finement les besoins de leur future base de clients/utilisateurs dès les premiers stades du projet.
Une course sur le long terme
Quoi qu’il en soit, la transparence de Daniel Spreadbury quant aux rouages et à la minutie mis en œuvre lors du développement des fondations de Dorico présageait déjà d’une base prometteuse pour les utilisateurs. Sans oublier Steinberg qui, ayant investi pendant près de quatre années sans retour sur investissement, a semblé faire preuve de longueur de vue ; un peu de vision à long-terme dans le domaine est d’ailleurs probablement essentiel pour percer véritablement face à Finale et Sibelius. En effet, pourquoi passer à un autre logiciel, alors que deux autres concurrents, matures et solidement établis, permettent déjà de réaliser à peu près n’importe quelle partition, et ce depuis vingt ou trente ans ?
Car après tout, l’avenir d’un format de fichier est capital pour assurer et rassurer les compositeurs que leurs partitions seront toujours lisibles et modifiables dans dix, quinze ou vingt ans. Certes, il existe le format MusicXML, mais l’implémentation en est pour le moins variable et inégale, et pour nombre d’entre-nous, ce format s’avère très insuffisant. Qui parle de format propriétaire amène aussi nécessairement à considérer la pérennité du logiciel associé, permettant de lire et éditer ce format de fichier… (On se souvient encore de Igor Engraver et de Graphire Music Press.) Sans parler de l’évolution des technologies et des systèmes d’exploitation, qui rendent bien souvent obsolètes en quelques années les logiciels orphelins.
Dorico, le nouveau venu qui va réveiller le marché des logiciels d’édition de partitions musicales ?
Après la première décennie des années 2000, où les deux principaux concurrents, Finale et Sibelius, se disputaient le titre de meilleur logiciel de notation musicale, amenant des innovations régulières et une surenchère bienvenue de nouvelles fonctionnalités (parfois au détriment de la correction des bugs), le début des années 2010 était plutôt mou dans ce domaine.
À l’heure où Finale, à l’aube de sa version 26, semble se lancer dans une démarche d’automatisation (notamment au niveau du positionnement des articulations) pour rattraper son retard en termes de mise en pages magnétique, Dorico quant à lui bénéficie à la fois de l’avantage de repartir de zéro, d’un point de vue technologique, et de l’inconvénient de devoir rattraper et dépasser ces deux mètre-étalons… Qu’en est-il vraiment ?
Pour l’utilisateur, un nouveau-venu parmi les logiciels historiques de notation musicale ne peut qu’être bénéfique, et permettra peut-être de secouer les concurrents, apparemment bien en phase de se reposer sur leurs lauriers (surtout en ce qui concerne Finale).
Dorico parviendra-t-il à insuffler un regain de vitalité dans cette niche un temps concurentielle des éditeurs de partitions de musique, mais devenue plutôt molassone depuis le début de la décennie 2010 (MuseScore mis à part, dans un segment du marché encore en marge dans le monde professionnel, et porté sur le gratuit) ? Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle aire de compétitivité et d’innovations accrues entre les quatre principaux éditeurs de partitions musicales (Dorico, Finale, Sibelius et Musescore — nous écartons ici LilyPond) ? Dorico réussira-t-il la gageure de rester à la pointe et à convertir suffisamment d’utilisateurs pour rester viable même après plusieurs années, dans un marché saturé ?
Autant de questions auxquelles nous commencerons à entrevoir des réponses d’ici quelques années.
Première impression à l’ouverture de Dorico
Utilisateur depuis le premier jour, après pratiquement quatre ans d’utilisation intensive (quasi-quotidienne) de Dorico, après un nombre incalculable de cours de formation musicale préparés, un certain nombre de partitions de musique contemporaine copiées pour le compte d’autres compositeurs, des partitions d’orchestre réalisées pour mon propre compte, des œuvres de petite, moyenne et grande proportions composées directement dans Dorico, j’ai aujourd’hui matière à livrer un certain nombre de remarques, qui trouveront peut-être écho chez le compositeur, copiste ou utilisateur désireux de se faire une idée préliminaire de Dorico, sans avoir envie de prendre trop de risques en adoptant d’emblée ces nouveaux processus et ces nouvelles manières de faire propres à Dorico. Car Dorico secoue les habitudes bien ancrées par des années d’utilisation de Finale et Sibelius, initialement !
Avant d’entrer dans le vif du sujet, en nous intéressant à Dorico module par module, je souhaite amorcer mes réflexions en posant la constatation que pour ma part, et de manière générale, je trouve le travail sous Dorico plutôt agréable. Bien sûr, rien n’est parfait, et subsistent quelques points d’agacement plus ou moins récurrents, mais rien qui fasse réellement obstacle à mon appréciation de Dorico.
Côté aide en ligne et communauté, la documentation est maintenant bien meilleure qu’à la sortie initiale, la chaîne YouTube de Dorico publie régulièrement des vidéos de tutoriels, et le forum officiel de Dorico est très actif — non seulement par ses membres ordinaires, mais aussi grâce à l’équipe de développement elle-même, très présente ! La communauté d’utilisateurs est également très active sur Facebook.
L’interface de Dorico est claire et facile à utiliser, malgré quelques imperfections dans l’ergonomie, comme nous l’allons voir.
L’application est aussi multi-langues, avec pas moins de 9 langues proposées (dont le français) ! Comme tout est intégré, tout utilisateur peut passer d’une langue à l’autre par le biais d’une courte visite aux Préférences, puis par une fermeture suivie d’un relancement de l’application. Rien de plus simple, donc. Pour ma part, à cause de quelques résidus non-traduits et par préférence personnelle (ayant toujours utilisé Finale en anglais, trouvant la version française épouvantable), j’utilise Dorico dans sa langue native de développement, à savoir l’anglais.
La première chose que je dois mentionner, c’est que le plus grand obstacle à l’apprentissage de Dorico et à l’appréciation de ses réelles possibilités, ce sont résolument les paradigmes et les processus rémanents inhérents au(x) logiciel(s) que nous utilisions auparavant.
L’une des grandes forces de Dorico est aussi de donner la possibilité à chacun d’assigner ses propres raccourcis nativement, possibilité que, dans Finale, j’obtenais en détournant l’usage premier du langage de scripts FinaleScript pour me programmer un accès relativement rapide à certains outils et certaines zones du logiciel car, pour mon usage personnel, les meta-tools étaient très insuffisants.
À l’ouverture, Dorico s’ouvre sur le « Steinberg Hub », qui regroupe un accès rapide aux principaux modèles, aux derniers projets ouverts et à des actualités.
Après l’ouverture d’un fichier récent ou la création d’un nouveau projet, nous voici au cœur de Dorico : La barre de menus tout en haut, la barre de modules rétractable juste en dessous (incluant au milieu l’accès aux différentes dispositions du projet, et à droite les contrôles de lecture). Le reste de l’écran est variable selon le module dans lequel on se trouve.
Préparation du projet Dorico
Le module « Setup » de Dorico, centre névralgique au début de tout projet, se décompose en trois sous-modules : les instrumentistes ou musiciens dans le panneau à gauche, les blocs en bas, et les dispositions dans le panneau à droite, avec un aperçu au milieu de tout ça.
Dorico, un logiciel centré sur le musicien
Dans ce premier module dédié à la configuration du projet, Dorico nous invite à ajouter des instruments. Mais commençons par nous intéresser à quelques-uns des grands concepts de Dorico.
Pour commencer par le début, contrairement à ses rivaux, Dorico ne considère pas les portées musicales comme la base d’un projet. Dorico, bien plus centré sur la sémantique de la notation musicale que ses concurrents, considère que ce sont les musiciens qui sont véritablement au cœur de son module « Setup ».
L’avantage devient évident dès lors qu’on pense aux instrumentistes qui changent d’instrument au cours d’un morceau (les doubling instruments chez les bois ou les cuivres, ainsi que les parties de percussion, réparties entre plusieurs exécutants) : le logiciel est plus naturel dans sa compréhension de ce que représente une œuvre, et gère lui-même l’affichage des changements d’instrument de manière très efficace (à quelques détails près, auxquels nous reviendrons un peu plus tard).
On ajoute donc des musiciens solos (les bois par exemple, avec des doublures si nécessaire, comme Flûte et Petite Flûte pour le même musicien), des sections (les différents pupitres de cordes), voire des ensembles (les bois « par 3 »), avec la possibilité de mettre en place des groupes (deux orchestres, ou deux quatuors).
Pour le moment, Dorico ne nous permet pas de créer réellement des instruments qu’il ne connaît pas, avec tous leurs attributs (Cristal Baschet, Waterphone ?…) : il faut donc ruser et utiliser un instrument de substitution puis en changer le nom. Dommage, pour un logiciel autant attaché à la sémantique, mais Daniel Spreadbury laisse entendre que cette fonctionnalité fait partie de leur feuille de route.
L’écriture des percussions à son indéfini a beaucoup progressé dans les dernières versions, et s’avère très puissante (même s’il n’est pas possible de définir un style de portée, à plusieurs lignes par exemple, car le paradigme de Dorico est différent : on ne pense plus par style de portée mais par instrument et instrumentiste, desquels le logiciel peut ensuite créer un rendu en les affichant de différentes manières, y compris sur des portées de plusieurs lignes).
Là encore, les changements d’instrument s’avèrent très puissants pour écrire des parties de percussion, sans avoir à trop se préoccuper de la représentation finale ni devoir manuellement gérer le rendu et la condensation de plusieurs portées en une seule. Cela confère également la souplesse de changer d’avis en cours de route, d’essayer différentes représentations avant de se fixer sur la plus claire (ou la plus condensée) et, d’une disposition à l’autre, on peut choisir la plus adaptée, sans affecter les autres dispositions qui nécessitent une représentation différentes (par exemple, un rendu différent entre le conducteur et la partie séparée de percussion).
La possibilité de créer des « kits » de percussions est une manière très élégante de mettre en place et de gérer certains types de partitions (d’autant que l’affichage du kit n’est, lui aussi, pas figé, mais peut au contraire se faire de plusieurs manières, y compris au sein du même projet). Il y a quelques limitations dans les kits de percussions, pour l’affichage ou plutôt, pour la suppression des silences redondants lorsque la représentation choisie est sous forme de portée à 5 lignes.
Des possibilités de « Layout » très riches
Dorico offre la possibilité de créer autant de « layouts » (« dispositions ») que nécessaire.
Les dispositions, ce sont les conducteurs, parties séparées, et dispositions personnalisées qui contiennent des instruments. Chaque projet contient par défaut un conducteur, qui contient tous les blocs et tous les instruments ajoutés au projet. À chaque fois que l’on ajoute un instrument, Dorico crée par défaut une partie séparée associée. Mais cela ne suffit pas toujours.
Bien sûr, Dorico est très souple et permet d’ajouter n’importe quel instrument à n’importe quelle disposition (par exemple pour rassembler sur la même partie séparée Flûte 1 et Flûte 2, ou grouper Cors 1 et 3). Il est aussi possible d’exclure un instrument d’une disposition donnée (par exemple une réduction pour piano qui ne doit pas apparaître sur le conducteur). On peut également ajouter ou exclure des blocs d’une disposition donnée (voir prochaine partie pour l’explication de ce qu’est un flow). Et afin de nous donner une liberté quasi totale, Dorico nous permet de créer ce qu’il appelle des « custom score layouts » (« dispositions personnalisées »), ce que j’utilise parfois en tant que proxy pour établir une partition intermédiaire dans certains cas de figures complexes.
Par exemple, lorsque j’utilise des divisions à l’extrême dans les cordes, il m’arrive de devoir faire face à certaiens circonvolutions pour obtenir le résultat que je souhaite. Prenons une section de Violons I. Je commence par ajouter les musiciens en tant que section au conducteur. Dans un deuxième temps, j’ajoute des instrumentistes violonistes individuels au projet, que cette fois j’exclus du conducteur. J’ajoute ensuite ces musiciens individuels à une disposition personnalisée, ainsi que la section complète qui contient les divisions. Ce qui donne donc, pour 9 Violons I, la section des Violons I que j’utilise dans le conducteur et qui contient les divisions, ainsi que 9 violonistes individuels. Je fais mes copiés-collés depuis la section Violons I vers les violons individuels qui correspondent. Enfin, je peux créer des parties séparées qui ne regroupent par exemple les violons que deux par deux, genre Violons I 1-2, Violons I 3-4, Violons I 5-6, Violons I 7-8, Violons I 9. La disposition personnalisée me sert ainsi de passerelle pour travailler. Le problème de ce processus est évidemment qu’il me faut reporter les modifications deux fois, si je modifie quelque chose dans la section des Violons I dans le conducteur, mais cela me permet cependant de tout conserver dans le même projet. Dans certains cas, la condensation des divisions pour les musiciens de section, possibilité apparue avec Dorico Pro 3.5 est suffisante, mais parfois les parties sont trop complexes pour être suffisamment condensées tout en conservant leur clarté, et seule la scission en des parties séparées par pupitre (desk) peut alors éviter des tournes intempestives, particulièrement problématiques lorsque tout le monde est divisé. Il y aurait d’autres approches pour ce cas de figure précis, comme partir dès le départ sur une base de musiciens individuels plutôt qu’une section éclatée en divisions, mais je vais en rester là sur ce sujet.
Dorico définit et permet de définir toute une collection de règles associées à chacune des dispositions par le biais des « Layout Options ». On peut ainsi paramétrer de nombreuses règles, regroupées dans des catégories telles que l’apparence et le placement des numéros de mesures, le regroupement des portées par des crochets primaires, secondaires et des accolades, des options pour les accords, des règles pour les marqueurs et le timecode, les règles d’espacement des notes, la mise en pages (format de papier, marges, taille rastrale, etc.), les options d’instrumentistes (disposition transposée ou en ut, affichage des répliques, doigtés, pédales de harpe, basse chiffrée, activation de la condensation), options des portées et des systèmes (étiquettes de portées, ossias, séparateurs de systèmes, répartition des mesures et des systèmes, objets système, marqueurs de reprises), style général des indicateurs de mesures, espacement vertical (options de justification, d’espacement vertical idéal, options pour le masquage des portées vides, etc.), etc. Chacune des règles peut s’appliquer pour une seule, plusieurs ou toutes les dispositions du projet.
Une gestion native des projets multi-mouvements
Contrairement à ses concurrents, une fois encore, Dorico se distingue en intégrant nativement la prise en charge des projets comportant plusieurs mouvements, sans avoir à recourir à des manœuvres complexes et sujettes aux erreurs. Entendons-nous bien : cette possibilité ne se limite pas seulement à des mouvements, mais peut aussi prendre en charge de simples idées musicales que l’on souhaite plus ou moins temporairement séparer, des exemples musicaux, etc.
On définit donc des « flows », des entités musicales qui peuvent correspondre à des éléments complexes comme un mouvement d’œuvre, un numéro (opéra ou comédie musicale), une cue (musique de film), ou tout simples comme un ossia ou un exemple musical. La mise en pages peut être différente d’un flow à l’autre, l’instrumentation aussi, etc. Beaucoup de fluidité déjà dans ce module « Setup », donc !
Comme pour les dispositions, Dorico définit et permet de définir toute une collection de règles associées à chacun des blocs par le biais des « Notation Options ». On peut ainsi paramétrer de nombreuses règles, regroupées dans des catégories telles que le comportement des altérations de précaution, les barres de mesure par défaut, les groupements de ligatures, les groupements de notes, les règles de silences, la gestion des voix multiples, quelques options concernant les kits de percussions, le comportement lors de la condensation des portées, etc. Chacune des règles peut s’appliquer pour un seul, plusieurs ou tous les blocs du projet.
Les « Project Info » (« Informations du Projet ») donnent accès à de nombreux champs de texte qui, à l’image de Finale et Sibelius, permettent d’y affecter des valeurs qui sont aussi utilisées en tant que « tokens » (« jetons ») et qui, une fois définis, se propagent dynamiquement dans tout le projet aux emplacements où ces jetons sont utilisés. À la différence que dans Dorico, ils sont bien plus nombreux. Dorico nous offre aussi la possibilité de définir séparément les champs généraux pour le projet dans son entier, ainsi que pour chacun des blocs individuels. De nombreux autres jetons dynamiques existent, comme la date, la durée d’un bloc, le nombre de pages, la liste des percussions, etc.
Étiquetage des portées instrumentales
En version 3.5, Dorico offre à peu près tout ce qu’on est en droit d’espérer en termes d’étiquetage des portées instrumentales.
Dorico numérote par défaut de lui-même les instruments (comme l’option équivalente dans Finale). Si, à l’origine, la numérotation manuelle entraînait certains problèmes, ceux-ci semblent désormais résolus : j’ai pu définir une nomenclature avec Flûte 1, Flûte 2 et Petite Flûte 3 par exemple.
D’autre part, alors qu’il était jusqu’à la version 2.1 impossible de définir des portées avec des étiquettes superposées de numérotation des deux voix (ou simplement un retour à la ligne), comme il est de coutume pour les cors : 1 en haut, 2 (ou 3) en bas, puis 3 (ou 2) et 4 sur la seconde portée, Dorico Pro 2.1 permet maintenant non seulement des retours à la ligne dans les étiquettes de portées, mais aussi la possibilité d’éditer les propriétés du texte (police d’écriture, taille, style, etc.).
Pour une apparence nette et épurée, depuis la version 2.1 Dorico permet dorénavant de regrouper les noms d’un même instrument (« Flûtes » ou « Cors » par exemple) et de les afficher centrés entre les portées du groupe, plutôt que d’avoir à faire apparaître de manière redondante le nom de l’instrument devant chaque portée (une limitation toutefois dans le cas des percussions, qui représentent un cas particulier pour le moment).
Personnalisation des crochets et accolades dans la nomenclature des portées
Il en va pratiquement de même du côté des regroupements par crochets et accolades, qui offrent 3 niveaux de regroupement, à quelques limitations près.
Car depuis Dorico Pro 2.2, il est devenu possible de grouper les instruments et de changer les crochets de manière personnalisée dans le module « Engrave », ce qui ne se faisait auparavant que de manière globale dans les options, qui ne comportaient d’ailleurs qu’un nombre limité de politiques différentes. Par exemple, j’aime que les timbales soient toujours indépendantes et séparées des crochets de la percussion, ce qui était moins intuitif au tout début. Il est donc maintenant possible de définir des crochets primaires, secondaires et même tertiaires !
Petite limitation cependant : l’apparence des crochets secondaires et tertiaires est définie de manière globale à l’échelle du projet. Il est donc impossible d’en personnaliser l’apparence au cas par cas, d’avoir parfois une accolade, parfois un crochet droit pour les groupes secondaires, ce qui est pourtant utile dans le cas d’une partition d’orchestre dans laquelle il y a 2 clarinettes et une clarinette basse.
Par exemple : tous les bois regroupés avec un crochet primaire avec crochet incurvé, les trois clarinettes regroupées avec un crochet secondaire droit, et les clarinettes 1 & 2 regroupées avec un crochet tertiaire en forme d’accolade. Ou encore, le cas d’un marimba écrit sur deux portées dans une section de percussions.
Autre limitation : il faut également parfois mettre temporairement quelque chose dans la première mesure quand on utilise des sections divisées, des instruments à vent qui doublent sur un autre instrument, ou encore des percussionnistes qui jouent sur plusieurs instruments à percussion, afin de bien inclure les groupes au complet dans la première page. Il en va de même pour les divisi et les ossias. Une fois les groupes réalisés, on ne doit pas oublier de supprimer ce contenu temporaire. Cela évite d’avoir à modifier par la suite les crochets au cours de la partition.
Dans le cadre d’un projet de grande envergure, avec de nombreux blocs, cette étape peut être très chronophage car elle nécessite de passer du module « Write » en « galley view » (« vue défilée ») au module « Engrave », nécessairement en « page view ». Cet oscillement peut nécessiter de gros calculs de la part de Dorico lors du passage de l’un à l’autre. Je recommande donc de bien définir toutes les options pour un seul bloc au tout début du projet, puis de dupliquer ce bloc pour servir de base à tous les blocs suivants, sans avoir à répéter cette étape assez agaçante.
Quoi qu’il en soit, de nets progrès ont été réalisés depuis la version 1 ! Pour les personnes qui accordent une grande importance au groupement et aux étiquettes de leurs nomenclatures, ce point de frustration, initialement important, s’est donc considérablement amenuisé avec la sortie de pratiquement chaque nouvelle mise à jour ! Aujourd’hui Dorico me satisfait quasiment pleinement sur ce point, si ce n’est cette nécessité de gruger au début du premier système pour définir convenablement le groupage correct pour tout le morceau.
Premières conclusions du module « Setup »
La conception de ce premier module de Dorico, à base de panneaux et de cases à cocher, me semble très claire, donnant accès à toute la base d’un projet. C’est déjà un module très riche, dans lequel je prends en général le temps de définir consciencieusement toutes les options selon mes besoins au début d’un projet, afin d’avoir à le revisiter aussi peu que possible par la suite. C’est cette mise en place minutieuse qui me permet ensuite de me concentrer sur le vrai travail : à savoir généralement, écrire de la musique, ou la recopier, en m’interrompant le moins possible.
Rien qu’en mettant en place correctement le projet dans ce premier module « Setup », pour une œuvre orchestrale relativement standard, les parties séparées sont déjà par défaut très propres, avec peu de modifications à y apporter. Si les partitions un tantinet plus complexes s’avèrent également à la hauteur, nous aurons alors un atout temporel indéniable lors des travaux urgents. Nous allons y revenir…
Limites et perfectibilité du module « Setup »
Dans ce premier module, malgré mon enthousiasme, j’avais initialement noté quelques points noirs, parmi lesquels : si l’utilisateur peut changer l’ordre des instruments à l'envi, le logiciel groupe par défaut de lui-même les instruments avec des crochets et accolades, selon une politique définie à l’origine dans les options globales de gravure et par la suite déplacées dans les options de disposition.
Lorsqu’on est habitué à Finale, qui est certes souvent cauchemardesque pour les situations compliquées et les divisions, on manquait ici à l’origine d’une certaine souplesse, ce qui aurait pu s’avérer rédhibitoire si ce détail n’avait été en grande partie corrigé dans les mises à jour et versions ayant succédé à la sortie de la version 1. Fidèle à lui-même, Dorico a ainsi progressé dans ce domaine avec la sortie des versions Pro 2, 2.1, 2.2, 3.5 puis 3.5.10 qui ont apporté des améliorations considérables.
Aujourd’hui, ce qu’il me manque serait une traduction complète des transpositions, car la version française comporte des résidus non traduits. Ainsi, une Clarinette en si bémol est une Clarinette in Bb. C’est possible de circonvenir à cette petite limitation, mais à titre personnel j’ai choisi de laisser les transpositions en anglais dans mes partitions, qui est un pis-aller à mon avis acceptable.
Recommandation : Se créer un modèle ou « House Style »
Avant de continuer avec la description de plusieurs fonctionnalités, remarquables et inédites dans un logiciel de notation musicale jusqu’à ce jour, permettez-moi de vous donner un conseil : Étant donné la multitude d’options en tous genres dont regorge Dorico, je recommande vivement à chacun de prendre le temps de se créer un « House Style » ou modèle maison. En procédant de la sorte, chaque début de projet se voit moins laborieux, plus efficace et vous rend plus vite opérationnel.
À titre personnel, j’ai créé et paramétré un modèle de document qui comporte mes préférences en matière de notation, de gravure, de polices, de modes de jeu personnalisés et d’expression maps. Cela me sert de base pour chaque nouveau projet, et j’affine peu à peu ce template, qui devient de plus en plus riche au fur et à mesure des mises à jour de Dorico.
Par ailleurs, lorsque j’importe un fichier MusicXML dans Dorico, je crée d’abord un document-maître à partir de mon modèle, avec toute l’instrumentation et les options souhaitées, puis je sélectionne tout et je fais Edit > Reset Appearance et Edit > Reset Position pour libérer la voilure et laisser Dorico le plus libre possible pour appliquer ses automatismes. Enfin, je copie-colle proprement la musique depuis le fichier importé vers le document-maître. C’est le processus qui s’est révélé le plus efficace pour moi afin d’éviter les rémanences et autres dysfonctionnements dûs à l’importation de documents MusicXML pas toujours bien formés.
Une prise en charge native et révolutionnaire des divisi
Maintenant que nous avons fait un premier tour d’horizon du module « Setup », et tant que nous sommes en train de regarder les possibilités de nomenclature, même si l’on trouve en vérité cette fonctionnalité dans le module suivant, « Write », je choisis d’aborder la fonctionnalité de division, véritablement révolutionnaire dans un logiciel de notation musicale !
Plus encore qu’une « simple » fonctionnalité permettant de créer uniquement des divisi, Dorico Pro 2 introduit la prise en charge native des ossias et permet d’ajouter des portées au-dessus ou au-dessous d’une portée donnée, à n’importe quel endroit dans la partition. Extrêmement attendue, cette fonctionnalitée s’avère à l’usage réellement phénoménale.
Toutefois, il faut bien comprendre les règles du jeu : les divisi ne fonctionnent que pour les musiciens de section, et non pour les musiciens solos, alors qu’inversement, la création d’une portée à un point donné au beau milieu de la partition n’est possible que pour un instrumentiste solo et non pour un instrumentiste de section. Quand aux ossias, quelques limitations existent : ainsi, un instrumentiste de section déjà divisé ne peut recevoir un ossia (l’ossia s’applique à la section et non au seul musicien divisé).
N’importe quelle section de cordes peut par exemple être divisée à l’extrême (j’ai testé !). En mode galley view, la ou les nouvelles portées n’apparaissent qu’à l’endroit où commence la division. Il suffit ensuite de restaurer l’unisson avec la commande appropriée pour voir la ou les nouvelles portées disparaître.
Si la division survient en cours de système, une fois en mode page, le logiciel reporte automatiquement en début et en fin de système le contenu non-divisé pour compléter les portées divisées et éviter au musicien de zigzaguer. Quel gain de temps, puisqu’il n’y a plus besoin de planifier les divisions en amont, comme c’est le cas dans les autres logiciels de notation musicale !
Il y a bien sûr encore des limitations (notamment l’absence du report des éléments tels qu’une arrivée ou un départ de liaison ou de glissando dans les zones auto-complétées).
Tout ceci fonctionne fort bien… pour des divisions simples ! Dès que le nombre de divisions oscille, passant d’une division à 2 à une division à 3 par exemple, tout se complique… Si la division commence après le début du système ou que la division active à ce moment-là comporte 2 portées mais que, un peu plus loin dans le même système, la division passe sur 3 portées, Dorico n’affiche que 2 portées et ne commencera à afficher la troisième qu’au système suivant…
On le voit, les divisions complexes nécessitent une certaine prudence dans leur planification et dans leur exécution. Si l’option idoine dans les options de disposition permet d’afficher automatiquement les étiquettes à chaque changement de division, une portée et donc, logiquement, une partie instrumentale, peut vite disparaître à certains endroits ! Il faut alors ruser, et parfois décaler le début de la division pour la placer plus tôt.
J’ai personnellement utilisé des divisions (très) complexes dans plusieurs de mes œuvres pour orchestre, ce qui s’est révélé un véritable casse-tête. Pour passer d’une division en 2 à une division en 3, il est généralement préférable de ne pas chercher à consolider la lecture, et à lui préférer la clarté. Moins confortable pour l’exécutant par un certain côté, mais une fois le parcours en zigzag défini, compris, et intégré par chacun des musiciens, tellement plus clair.
J’attends donc avec impatience le jour où Dorico permettra les divisions « cut-away » : autrement dit, les divisions « en zigzag », sans auto-complétion, qui se contentent d’ajouter et de supprimer les portées à l’endroit voulu, sans faire de zèle hormis afficher les changements d’étiquettes.
Une autre fonctionnalité très puissante : La condensation sur une (ou plusieurs) portée(s)
Daniel Spreadbury l’avait promis depuis le tout début : l’inverse de la division, la condensation, qui permet de regrouper sur une seule portée du matériel provenant de plusieurs instruments et saisi sur plusieurs portées (par exemple sur le conducteur, la condensation des Flûte 1 et 2 sur une seule portée).
Comme avec Dorico les promesses sont rarement sans écho, depuis Dorico Pro 3, c’est désormais possible ! Et depuis Dorico Pro 3.5, les musiciens de section divisés peuvent à leur tour être condensés ! Que de nouvelles possibilités s’ouvrent grâce à ces deux optiosn géniales…
La condensation est régie par des règles définies dans les options de notation, qui peuvent être différentes d’un bloc à l’autre, et Dorico se base sur son analyse des phrases musicales et du contexte pour afficher « à 2 » aux bons endroits et pour choisir dans quels cas de figure il est préférable de partager les queues de notes ou plutôt d’utiliser des hampes séparées.
Il est évidemment possible de créer des overrides dans le module « Engrave », pour outrepasser les règles générales et créer exactement le score condensé souhaité.
Comme le changement d’instrument, qui escamote parfois les silences, lorsque le musicien change d’instrument dans la même mesure (ce qui ne devrait néanmoins arriver que fort rarement), la condensation connaît quelques limitations : ainsi, la condensation ne condense que le premier des doubling instruments. Il arrive donc que, lorsqu’un instrumentiste retourne à l’instrument principal, le système de retour ne soit pas condensé. Par exemple à la page 2, le Cor Anglais retourne au Hautbois 2. Page 3, la première mesure du Hautbois 2 est une pause, et il ne recommence à jouer qu’à la mesure suivante. Dorico affiche une étiquette au début de cette mesure de retour au Hautbois 2 mais ne permet pas la condensation des deux hautbois sur ce système, car pour lui, à la première mesure le Hautbois 2 était encore un Cor Anglais. À ma connaissance, il n’y a aucun moyen de forcer la condensation dans ce cas de figure.
J’ai remarqué aussi quelques anomalies dans certains cas spécifiques ou en tout cas en apparence aléatoires : dans de rares cas, Dorico ne consolide pas le texte, créant un doublon d’affichage facilement corrigeable. Très rarement, les modes de jeu disparaissent lors de la condensation. Étrangement, les liaisons de prolongation en style pointillés ne sont pas répercutée lors de la condensation et il faut remettre la propriété voulue dans le conducteur condensé.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Déjà, sans même aller plus loin, on peut se rendre compte que Dorico a globalement toutes les chances d’être un véritable bijou pour le créateur exigeant…
Le prix des automatismes incroyables de Dorico : Lenteur générale du module « Setup »
… Mais il y a un « mais » !
La richesse d’options et d’automatismes appliqués par Dorico s’avère être à double-tranchant… Eh oui ! Tous les calculs que doit effectuer Dorico en arrière-plan à chaque instant se font nécessairrement au détriment de la rapidité, et même trop souvent simplement de la réactivité du logiciel. Et dans la gravure d’une partition de musique, certains calculs sont naturellement dépendants d’autres calculs, donc la parallélisation trouve rapidement ses limites.
On ne va pas se mentir : comparé à Finale et Sibelius, Dorico a tendance à être lent. Et parfois du genre lenteur d’agonie !
Une tâche en apparence aussi anodine que modifier l’un des champs de texte des informations du projet peut prendre plusieurs minutes avant d’être répercutée dans la partition. Même problème général dans toutes les options, que ce soit les options de notation, de disposition ou de gravure. Ces boîtes de dialogues contiennent tellement d’options que celles-ci sont regroupées en catégories. Malheureusement, il faut appliquer les modifications avant de pouvoir continuer à parcourir les autres catégories de règles, ce qui prend rapidement trèèès longtemps, même si seuls un ou deux paramètres sont changés à chaque fois…
À ce compte-là, je préfèrerais pouvoir changer tous les paramètres que je souhaite tant que la boîte de dialogue est ouverte, et que Dorico n’applique mes changements que lorsque je décide de les appliquer ou, par défaut, lorsque je ferme la boîte de dialogue. J’attendrais longtemps, oui, mais une seule fois !…
Nuançons ce problème : ce problème de latence ou d’attente ne se pose vraisemblablement jamais pour une partition de musique de chambre (en tout cas je n’ai jamais rencontré ce souci de lenteur déraisonnable autrement que sur des scores d’orchestre avec de nombreux blocs, des divisi à tout-va et la condensation activée).
Désactiver la condensation à tendance à accélérer grandement les performances. Il est donc recommandé de ne l’appliquer qu’à la toute fin du travail, juste avant la mise en pages.
Les divisi et autres portées temporaires sont aussi très lourdes de conséquences sur les performances de Dorico. À tel point que la saisie ou la transposition d’une seule note peut prendre une ou deux secondes dans certains cas !
Sur certains (très) gros projets, l’ouverture du projet peut prendre plusieurs minutes. Il semble toutefois qu’une fois le projet ouvert, il n’y ait pas d’autre danger hormis la lenteur.
Enfin, dans le module « Setup », l’ajout ou la suppression d’instruments est très lente dans le cadre d’un gros projet. Daniel Spreadbury donne une astuce qui fonctionne plutôt bien : parce que Dorico conserve en mémoire la disposition affichée juste avant la disposition active, passer sur une partie séparée légère, puis une autre, légère également. Supprimer et/ou ajouter les instruments voulus. C’est ainsi beaucoup plus rapide !
Des lenteurs, donc, mais il faut dire que le travail est fait… Et même plutôt du genre très bien fait. En cas de rush néanmoins, mieux vaut savoir à quoi s’attendre pour pouvoir anticiper… et faire quelques pauses café !
À date de parution de cet article dans sa dernière version, je dois mentionner qu’il semblerait qu’une build interne, et à laquelle un utilisateur semble avoir eu accès dans le cadre d’un très lourd projet orchestral réalisé pour le compte d’un célèbre éditeur, soit considérablement plus rapide. Tout le monde attend avec impatience que cette mise à jour devienne publique !
L’espace de saisie ou, pour les compositeurs, de créativité
Le module suivant, « Write », est dédié à la saisie de la musique : notes, articulations, expressions, etc. C’est probablement dans ce module que la plupart des utilisateurs passeront la plus grande partie de leur temps de travail.
L’écran se divise cette fois entre le panneau de saisie rétractable à droite, le panneau des propriétés en bas, et le panneau modulaire de fonctionnalités à droite. Au centre : la musique, qu’il est possible d’afficher soit en vue page (« Page View ») soit en vue défilée (« Galley View », l’équivalent du mode « Scroll View » de Finale).
La saisie des notes dans Dorico
Vient le moment d’entrer nos premières notes de musique !
Passées les premières difficultés et une relative assimilation de la saisie par le clavier (d’ordinateur), on constate que la saisie est assez efficace dans l’ensemble. Après seulement quelques mois de transition, l’entraînement a très vite eu raison de mes réflexes pûrement « Speedy Entry » de Finale tant le mode de saisie au clavier est bien pensé, et j’apprécie particulièrement la saisie au clavier sous Dorico ! (Rappelons que Dorico permet de personnaliser tous les raccourcis clavier — ça aide.) D’ailleurs, on peut passer une grande partie du temps sans quitter le clavier. Le paradigme de saisie des notes diffère de celui de ses concurrents sur plusieurs points.
La saisie de voix multiples sur une portée, basée sur une philosophie tout autre que celle de Finale, demande un peu de réflexion de prime abord, mais s’avère relativement aisée une fois dépassé le stade d’apprentissage initial et de compréhension du modèle : au final, le concept mis en place par Dorico à cet égard me plaît bien, et après quelques mois d’utilisation, j’ai trouvé ce nouveau modèle supérieur à celui de Finale. On crée une voix, et celle-ci n’existe à l’affichage qu’aussi longtemps qu’on en a besoin (même si, une fois créée, une nouvelle voix existe définitivement dans le fichier sur une portée donnée, par rémanence, y compris si on supprime tout le contenu de cette voix — je pinaille !). Il est à noter qu’il est recommandé d’activer l’affichage coloré des voix pour s’y retrouver.
Mais le plus difficile pour les utilisateurs friands du mode « Speedy Entry » de Finale est semble-t-il, à en juger par les innombrables retours et complaintes d’utilisateurs à ce sujet, de s’habituer à définir les modificateurs et la valeur de note avant la saisie de la note elle-même : altération, point, petite note, liaison à la note d’avant, etc. Après réflexion, cela semble pourtant assez naturel : même si avec un papier et un crayon je dessine les altérations et les liaisons après avoir dessiné les têtes de note, je le sais avant de commencer à écrire la note ! Suite aux demandes répétées des utilisateurs solidement ancrés dans leurs habitudes, depuis la version 3.5, pour davantage de fluidité et de souplesse, Dorico permet de choisir l’ordre de saisie et de passer rapidement de l’un à l’autre : valeur de note avant hauteur ou hauteur de note avant durée. Encore un exemple de l’exceptionnelle attention portée par l’équipe de développement aux requêtes de ses utilisateurs !
Lors de la saisie des notes avec le clavier, le logiciel adopte une politique d’octaves pas évidente à assimiler de prime abord, mais très utile par la suite : si la portée en cours est vide, Dorico se base sur la clé pour définir l’octave la plus proche (du sol médium pour la clé de sol, du fa de référence pour la clé de fa, etc) ; si la portée, même longtemps auparavant, contient déjà de la musique, la note saisie sera notée dans l’octave la plus proche de la dernière note de l’intervention précédente. Ici, on se rend compte que si un musicien n’a pas joué pendant un long passage, on peut s’attendre dans certains cas à quelques surprises lors de la saisie de la première note du nouveau passage… Ensuite, au cours de la saisie d’un passage, Dorico choisit l’octave de la note la plus proche de la précédente, ce qui oblige à une petite gymnastique mentale : dois-je m’attendre à ce que la note soit celle de l’octave supérieure ou dois-je la forcer ? Rapidement, ce qui me semblait être une difficulté (somme toute assez mineure) s’est trouvé gommé par l’habitude et je m’y suis très bien fait, d’autant que les raccourcis de transposition à l’octave et le pop-over de transposition sont très bien pensés.
En effet, depuis la version 1, Dorico a ajouté un module de transposition très efficace, ainsi qu’un module d’ajout d’intervalle, accessibles par un pop-over.
Signalons également qu’il est très facile de créer des notes cross-staff cependant, une limitation confine pour le moment les cross-staff aux portées d’un même instrument (les deux portées de piano par exemple).
Dorico donne également la possibilité de saisir la musique sur plusieurs portées simultanément, ce qui dans certains contextes peut se révéler précieux.
Cerise sur le gâteau : Dorico Pro gère nativement les micro-intervalles (aussi bien en notation qu’à l’audition), et l’utilisateur exigeant peu même définir lui-même ses propres systèmes de micro-tonalité : une fonctionnalité géniale, qui a dû ceci dit rendre infiniment plus complexe l’implémentation et la gestion de la transposition !
Deux aspects qui illustrent assez bien l’intelligence du logiciel : à la saisie, après avoir entré une note altérée, si la note se répète, inutile de saisir de nouveau l’altération ; il faut simplement remettre un bécarre lorsque c’est nécessaire. D’autre part, les altérations de précaution automatiques (affichées selon des politiques à définir dans les options de notation) sont très pratiques : tout est dynamique et non figé comme dans Finale.
Dorico et la représentation des rythmes
Dorico a indéniablement une meilleure compréhension musicale que les autres logiciels. Sa compréhension sémantique de la musique était déjà impressionnante dans la version 1 et ne fait que progresser.
Probablement le plus déconcertant au tout début, pour un utilisateur venant d’un autre logiciel de notation musicale (et nous venons pratiquement tous d’un autre logiciel, voire des deux ou des trois autres !) : pour Dorico, les silences n’existent pas par défaut, ils sont tous implicites. On place le curseur à l’endroit où l’on souhaite saisir des notes, et le logiciel se charge du reste. Il vaut mieux d’ailleurs laisser Dorico gérer lui-même les silences selon les règles de notation définies et réglables dans les options. Et, dans les rares cas où cela s’avère nécessaire, on peut bien entendu forcer la création de silences à notre convenance. En tout cas pour moi, la dispense de saisie des silences représente un gain de temps considérable.
Parfois, l’intelligence de Dorico demande un petit temps d’adaptation : les notes prolongées en tenues ne constituent qu’une seule et même entité pour Dorico, qui se charge de les décomposer en valeurs de notes appropriées en fonction de la métrique en cours. Très pratique pour saisir une blanche sur le dernier temps d’une mesure à 3/4, le logiciel se chargeant de représenter cette valeur comme une noire liée à cheval sur la barre de mesure à une autre noire. Ce modèle a l’avantage, grâce à une consolidation de la notation, de donner plus de cohérence à une partition, d’autant que Dorico connaît les bonnes pratiques (que l’on peut d’ailleurs largement paramétrer dans les options). Lorsque l’on préfère une notation différente, pas de problème ! Il suffit alors de « forcer » une valeur de note. Depuis Dorico Pro 2.2, le bouton de forçage peut même être activé et désactivé après coup, ce qui donne beaucoup plus de flexibilité, notamment dans la saisie de notes liées, quand on veut lier les différentes valeurs de notes d’une manière spécifique.
De la même manière, Dorico regroupe les rythmes de lui-même et crée les ligatures nécessaires selon les règles définies dans les options de notations, paramétrables indépendamment dans chaque bloc. Extrêmement pratique pour gagner du temps.
Un autre avantage du modèle rythmique adopté par Dorico est de permettre l’usage simultané de plusieurs métriques superposées (pour le moment seulement valeur de note = valeur de note). En tant que compositeur, la superposition de rythmes complexes est particulièrement aisée avec Dorico, ce qui est un atout exceptionnel pendant le travail d’élaboration d’un morceau très rythmique. La saisie est particulièrement souple (insertion de musique possible, avec décalage de tout ce qui suit (l’insertion avec blocage en place de la suite est en revanche très attendu).
On peut aussi facilement écrire sans métrique et faire ultérieurement le choix des indicateurs de mesures, ou bien changer d’avis après coup &mdahs; ce que j’adore, venant de Finale où la fonctionnalité pour changer les métriques cause des problèmes avec les mesures de pause.
Par ailleurs, copier-coller est plus souple que dans les autres logiciels, puisque Dorico colle la musique exactement à partir du curseur, même en plein milieu d’une mesure. Enfin, le logiciel permet l’utilisation de métriques alternées, aggrégées, etc.! (3/4 — 6/8 par exemple)
Le bouton de verrouillage de la durée permet, quant à lui, de conserver les rythmes d’un passage et de ne changer que les hauteurs de notes. Très, très pratique !
Pour aborder des rythmes plus complexes, l’édition des tuplets est des plus agréables : une fois défini le tuplet, on peut continuer à saisir des notes, Dorico continue à les regrouper avec des tuplets de même nature jusqu’à l’annulation du mode « tuplet », sans avoir à les définir à chaque fois : très appréciable ! Aucun souci non plus pour imbriquer des tuplets les uns dans les autres. D’ailleurs les tuplets (tout comme les ligatures) peuvent enjamber les barres de mesure — très utile dans certains cas !
La saisie des clefs, armures, nuances, métriques, paroles, lettres de repères et ornements sous Dorico
Venons-en à la saisie des nuances, des métriques, des clefs, des ornements, etc. Tout ceci est réalisable directement avec le clavier, par le biais de ce que Dorico appelle des pop-over : autrement dit, des petites boîtes de dialogue ne comprenant qu’un champs de texte, appelées par un raccourci et que l’on remplit avec de courtes instructions textuelles. Dorico interprète ces instructions et produit le résultat demandé, tout cela sans avoir à quitter le clavier pour l’utilisateur ! L’idée est très bonne en soi, et permet un gain de temps appréciable.
Évidemment, on rencontre occasionnellement quelques limitations. Par exemple, on peut saisir une nuance ou un crescendo en milieu de tenue, mais soit en se dispensant du pop-over (en cliquant dans les palettes puis en modifiant la longueur de la nuance) ou alors en supprimant temporairement les liaisons de prolongation (touche U) avant d’attribuer la nuance à l’aide du pop-over puis de remettre les liaisons (sélection des notes à lier puis touche T).
Mettre des nuances sur des petites notes est aussi un peu compliqué (on peut mettre <f si le f tombe sur la note réelle d’après, mais l’indication plus précise p<f est plus compliquée à saisir. Daniel Spreadbury m’a expliqué la circonvolution pour parvenir au résultat souhaité : saisir les nuances sur la note réelle, puis décaler les nuances à l’endroit voulu en faisant glisser avec la souris.
La combinaison de nuances, du style mf/p, est très facile, mais dès qu’il est question de sfz/p par exemple, il faut ruser. L’une des possibilités peut être par exemple de créer un mode de jeu qui fausserait cette nuance.
Mises à part ces quelques limitations, que j’ai trouvées peu ennuyantes au quotidien, l’adjonction de nuances est infiniment plus rapide que dans Finale. Même si Dorico n’offre pas d’équivalent direct aux meta-tools, les nuances adjacentes sont automatiquement groupées lorsqu’elles sont définies simultanément, et peuvent de toute façon être groupées/dégroupées manuellement. Elles s’alignent alors automatiquement sur une même ligne de base.
On peut aussi les lier, ce qui est à peu près équivalent au groupement, mais dans la verticalité : des nuances/liaisons de phrasé liées et présentes sur plusieurs instruments simultanément, peuvent être modifiées facilement et rapidement. Toute modification sur l’une des portées se propage automatiquement aux autres portées où sont présentes ces indications liées. Par exemple, admettons que nous ayons une portée de Flûte et une portée de Hautbois, avec un groupe de nuances liées p<mf. Modifier sur la portée de Flûte le mf en f aurait pour effet de le modifier également sur la portée de Hautbois, et vice versa.
Les indication de crescendo/diminuendo du type cre-scen-do sont très faciles à réaliser.
Les indications textuelles qui relèvent plutôt des texte d’expression, comme dolce ou espressivo, se saisissent avec le pop-over de nuances. Il faut obligatoirement — et c’est là le bémol — saisir une nuance, suivie de l’indication d’expressivité. Ensuite, si besoin, on peut sélectionner la nuance et, dans le panneau des propriétés, masque la nuance pour ne garder que le texte d’expression, et modifier l’alignement horizontal. Pas idéal, mais faisable.
La saisie de paroles (lyrics) est très bien pensée, c’est un régal. On peut même créer des élisions nativement, ce qui est très appréciable.
La saisie de doigtés, y compris des doigtés complexes de piano, avec substitutions et autres, est également très bien implémentée.
Dorico permet de créer des lettres (ou chiffres) de repères grâce à un pop-over dédié.
Depuis Dorico Pro 2.2 et la révision des fonctionnalités de trilles, nous disposons d’un outil de trilles particulièrement bien conçu : enfin un logiciel de notation musical qui nous permette nativement de générer des notes auxiliaires entre parenthèses, même en cas de trilles dans un contexte micro-tonal ! Un gain de temps considérable. Petit bug : lorsque la condensation est activée, les notes auxiliaires affichées ne sont pas les bonnes dans le conducteur.
On peut même ajouter, supprimer des mesures et changer les barres de mesure directement avec un pop-over. Très pratique.
La saisie des modes de jeu sous Dorico
En ce qui concerne les modes de jeu et les tempos, il manque beaucoup d’indications par défaut (il manque gettato, marcato, etc.), mais depuis Dorico Pro 2 le logiciel dispose d’un « Playing Techniques Editor » pour définir des modes de jeu personnalisés, qu’il s’agisse d’indications textuelles ou de symboles (pas encore d’outils de dessin — pour le moment il faut utiliser des symboles déjà présents, des polices ou des images).
Pour les modes de jeu, le placement par défaut reste encore limité (au-dessus, au-dessous, mais pas de possibilité de définir un positionnement horizontal, sauf en rusant), tout comme l’édition des propriétés d’apparence du texte (police d’écriture, etc. Cependant, depuis Dorico Pro 2.2, on a accès à tous les styles de texte utilisés dans le document, quand on édite un mode de jeu glyphe et non texte.), aujourd’hui impossible. On ne peut pas, par exemple, mélanger plusieurs polices ni plusieurs styles dans une indication de mode de jeu, car tout se fait avec des styles de texte, qui se définissent dans le module Gravure.
Par ailleurs, la création d’indications longues pose un problème, puisqu’il n’est pas encore possible de créer des modes de jeu dont le texte comporte des retours à la ligne (à moins de ruser) — en fin de page, le texte déborde de la page, ce qui n’est pas idéal. On peut néanmoins définir un texte alternatif, plus court, et choisir de l’afficher à la place de l’indication complète dans les parties séparées où cela s’avère nécessaire.
Personnellement, je trouve que le panneau des modes de jeu devient vite brouillon avec la création de nouveaux éléments, et dès lors que vous vous créez une bibliothèque conséquente, le pop-over devient salutaire.
Côté finitions, depuis la version 2 de Dorico, il est possible de générer un cache derrière les éléments textuels et les modes de jeux, afin que le texte ne coupe pas les barres de mesure (dans le module Gravure).
Les modes de jeu pouvant s’appliquer sur une durée précise, Dorico nous permet depuis sa version 3 de créer toutes sortes de lignes de continuation.
Je recommande, dans les partitions riches en modes de jeu textuels, de toujours prendre l’habitude de définir les tucking index (index de couverture) dès leur saisie. En effet, lorsque plusieurs modes de jeu se trouvent à la même position horizontale dans la partition, Dorico les empile selon un ordre plus ou moins défini. En général, de mon expérience, cet ordre d’empilement est plutôt instable, changeant parfois d’une ouverture à l’autre, et même au cours de la même session de travail. Pour y remédier, il suffit de renseigner l’index de couverture de chaque mode de jeu. Cela se fait dans le module Gravure. 0 correspond à l’index le plus proche de la portée, et plus le chiffre augmente, plus l’indication s’en éloigne. Prenez garde à renseigner soigneusement cet index, et pour tous les modes de jeu empilés, car plusieurs index identiques pour une même position rythmique seront instables. De même, si dans une pile certains modes de jeu sont indexés et pas d’autres, les modes de jeu non-indexés se trouveront en-dessous. S’apercevoir de ces omissions en fin de projet sur une partition d’orchestre pourra s’avérer très… long et fastidieux à corriger ! (Oui ça sent le vécu…)
Enfin, comme je l’ai déjà mentionné, il n’existe pas de catégorie pour les expressions (espressivo, etc.), qui doit être crée avec le pop-over de nuances. Pour qui souhaiterait se constituer un bibliothèque regroupant les indications d’expression courantes, l’outil de modes de jeu n’est pas adapté, à cause de cette histoire de polices d’écriture; En effet, le style de police d’écriture des modes de jeu s’applique à tous les modes de jeu textuels, et ne permettrait pas de différencier « espressivo » et arco par exemple…
La saisie des tempos sous Dorico
Côté tempos, le pop-over est assez bien conçu, hotmis quelques erreurs d’interprétation occasionnelles. Il est même possible d’indiquer un tempo-fourchette.
En revanche, je n’ai pas réussi à indiquer un tempo de la forme « Un peu animé — noire = 90 (noire pointée = 60) », car la deuxième indication ne reste pas (c’est possible bien sûr, mais il faut ruser, en entrant un tempo ordinaire, puis en changeant le texte dans le panneau des propriétés).
Concernant les équivalences, depuis Dorico Pro 2.2, il est devenu possible d’indiquer des équivalences du type blanche = noire. Cependant, il y a plusieurs limitations.
D’abord, les équivalences sont interprétées comme des équivalences à la Elliott Carter uniquement, c’est-à-dire centrées au-dessus de la barre de mesure du passage d’une unité de temps à une autre, selon le modèle « ancienne unité de pulsation = nouvelle unité de pulsation » (c’est une notation plus moderne, mais traditionnellement on pouvait aussi écrire les équivalences selon le modèle inverse, où l’on considérait qu’il s’agissait d’un tempo, et donc que l’on indiquait la valeur de la pulsation de maintenant suivie de l’ancienne valeur de la pulsation). Pourtant, on rencontre encore aujourd’hui cette ancienne notation, même si je reconnaîs qu’elle est plus claire à l’usage, bien que moins logique.
Ensuite, il est impossible de définir à la fois une équivalence et de préciser entre parenthèses le tempo métronomique résultant. C’est pourtant salutaire lorsque les équivalences sont nombreuses, rapprochées et complexes. Quant à utiliser l’outil texte pour simuler l’un des deux, pour l’avoir essayé cela produit des problèmes d’alignement.
Les tempos d’accelerando et de ritardando/rallentando peuvent facilement être affichés en scindant les syllabes pour les répartir sur toute la durée de l’indication.
La saisie de texte sous Dorico
Dorico nous permet d’ajouter deux types d’éléments texte : Les éléments textes ordinaires, qui ne sont attribuées qu’à une seule portée, et les éléments textes de système, qui sont affichés aux emplacements où s’affichent les éléments globaux comme les tempos et bien sûr dans toutes les parties séparées.
Dorico nous permet de définir des styles de polices, de paragraphes ou de caractères dans le module Engrave, bien que j’aie un peu de mal à différencier les trois… On peut ensuite y accéder facilement en éditant les éléments texte.
L’approche choisie par Dorico suggère que l’utilisation du texte est à réserver aux éléments ponctuels et qui n’entrent pas dans les autres catégories plus sémantiques, car il est évidemment impossible de se constituer une bibliothèque de textes à usage récurrent.
Harmoniques et articulations jazz natifs, pédales de harpe et autres fonctionnalités en vrac
Dorico prend en charge nativement les harmoniques, qu’ils soient naturels ou artificiels, depuis la version 3. Les harmoniques artificiels les plus ésotériques ne sont pas encore disponibles nativement, mais pour le plus grand nombre, cette fonctionnalité se révèlera amplement suffisante, d’autant plus que l’on dispose tout de même d’au moins 2 moyens de les représenter malgré tout.
Pour ceux d’entre-vous qui n’ont jamais rien compris aux harmoniques artificiels, sujet qui peut en effet paraître bien compliqué au début, allez donc faire un tour du côté de mon petit outil en ligne de recherche d’harmoniques (c’est gratuit !), qui vous permettra de trouver toutes les manières théoriques d’obtenir par harmonique artificiel la note recherchée !
Autre fonctionnalité très pratique, la gestion des articulations et effets jazz. Vous trouverez dans Dorico les plop, fall en tout genre, scoop, doit, lift/rip, etc. et vous pourrez les assigner en quelques clics.
Je suis un grand utilisateur de la fonctionnalité de commentaire, présente depuis la version 3, que j’utilise copieusement. Comme il est possible de les exporter, je relis souvent l’ensemble de mes commentaires au format texte à la fin d’un projet, pour m’assurer de n’avoir oublié de traiter aucun d’entre eux.
Comme il est parfois utile de différencier plusieurs modes de jeu par des têtes de notes différentes, nous disposons d’un éditeur d’ensembles de têtes de notes pour les personnaliser lorsque c’est nécessaire.
Et depuis Dorico Pro 3.1, rien n’est plus facile que de mettre des notes (ou des accords) entre parenthèses.
La version 3.1 a également introduite une fonctionnalité très attendue des compositeurs de musique contemporaine : les lignes verticales et les lignes horizontales. Et comme d’habitude, Dorico n’y est pas allé avec le dos de la cuillère ! Outre l’arsenal de lignes en tout genre présentes par défaut, il est possible de créer et personnaliser des lignes à l’envi.
Pour tous les compositeurs qui se sont un jour pris la tête sur des parties de harpe, Dorico intègre depuis sa version 3 un outil intelligent de calcul des pédales de harpe. Cela ne fait pas tout, mais cela permet de mettre en évidence les notes qui sont impossibles avec la configuration de pédales en cours. Cela met en évidence très efficacement les endroits où il faut changer les pédales, et par extension les moments où la harpiste devrait se greffer deux ou trois pieds supplémentaires… Indispensable, à mon sens, et éminemment pédagogique ! Cette fonctionnalité existant dans la version SE de Dorico, j’ai utilisé cette fonctionnalité avec mes étudiants en orchestration lors des cours sur la harpe. Ils s’en souviennent encore.
Les répliques, fonctionnalité native de Dorico
Pour la préparation d’un matériel, Dorico intègre nativement la possibilité (et même la suggestion !) de répliques pour compléter les parties séparées et combler le vide laissé par de nombreuses mesures de silence successives. Ces repères sont particulièrement utiles lorsque la musique comporte des phrases musicales reconnaissables ou des éléments musicaux facilement identificables pour un musicien, et s’avèrent nécessaires pour les projets qui seront joués en déchiffrage à vue.
Il suffit donc, dans le conducteur, de se placer sur la portée de l’instrument récepteur et d’indiquer dans le pop-over l’instrument d’où extraire la réplique. Dorico affiche alors la réplique dans le module Écriture en vue défilée et dans la partie séparée, mais masque la réplique sur le conducteur en vue page ou dans le module Gravure.
Quelle facilité, et quel temps gagné par rapport aux logiciels concurrents ! Plus d’excuse pour ne pas inclure de répliques dans les parties séparées !
Quelques outils facilitant l’édition sous Dorico
Bien entendu, pour tout compositeur, orchestrateur ou arrangeur, le besoin se fait sentir un jour ou l’autre de ne sélectionner que certains éléments de la notation. Dorico le permet au travers de ses filtres de sélection très granulaires. Ceux-ci ne sont malheureusement disponibles que dans le module Write.
La Piste Système (System Track) offre à portée de main des outils pour sélectionner du contenu sur toutes les portées, ajouter ou supprimer des mesures ou des temps.
Les pancartes (flags), que l’on peut afficher ou masquer selon nos préférences, indiquent l’emplacement de certaines modifications pas immédiatement apparentes. C’est le cas par exemple d’un élément masqué : la pancarte permet d’identifier cet élément malgré son inivisibilité, de le repérer et de l’éditer.
Jusqu’à la version 3.5, il était nécessaire de basculer dans le module d’Impression afin d’avoir un aperçu de la partition sans les couleurs de repérage et sans les superpositions non-imprimables. Maintenant, un simple appui sur une touche du clavier, quelque soit le module actif, permet de prévisualiser instantanément la partition telle qu’elle se présentera lors de l’impression. Très utile.
L’outil qui me fait défaut, pour le moment, dans Dorico, serait un outil de Recherche et Remplacement de texte, pour modifier en quelques clics certains mots ou certains caractères. Il arrive de faire face à des changements, et parcourir une partition d’orchestre pour en mpodifier manuellement tous les éléments textuels incriminés est… ennuyeux, chronophage et sujet aux oublis.
Modification de l’apparence des objets sous Dorico
Sous Dorico, la modification de l’apparence des objets se fait en les sélectionnant puis en éditant les propriétés associées dans le panneau des propriétés. Ce qui est parfosi perturbant, c’est que certaines propriétés sommaires apparaissent dans le module Écriture, et qu’en passant dans le module Gravure, on retrouve les mêmes propriétés assez générales, augmentées de bien d’autres, qui contrôlent plus finement l’apparence des éléments. Selon les objets préalablement sélectionnés, les propriétés disponibles vont de sommaires à très riches.
Si avec l’habitude on acquiert une assez bonne intuition du module dans lequel se trouvent les propriétés recherchées, il n’est pas toujours simple de localiser une propriété donnée, ni de s’orienter entre les deux modules. Cela fractionne le travail, et dans certains cas peut s’avérer très chronophage pour basculer d’un mode à l’autre puis retour lorsqu’il s’agit d’une grosse partition.
Quelques incohérences aussi : changer le style d’une liaison de prolongation dans le module Écriture n’affecte que la première liaison et non toute la chaîne. Il faut sélectionner la note dans le module Écriture puis passer dans le module Gravure avant d’appliquer le style de liaison souhaité.
Le problème se pose également pour les trémolos : dans une même chaîne de notes liées, le nombre de slashs varie en fonction de la valeur de chaque note (Dorico soustrait des slashs en allant vers les notes ligaturées). Si je souhaite trois slashs /// tout au long de la chaîne, je dois donc faire un détour par le module Gravure après coup pour modifier individuellement la valeur Single stem tremolo (Trémolo à hampe unique) et la régler sur 3 traits.
La sélection individuelle des notes appartenant à une chaîne de notes liées par liaison de prolongation n’étant possible qu’en mode Gravure, le processus est assez gauche et inconfortable. Dans le module Écriture, toute la chaîne de notes liées fait partie d’une seule entité, ainsi toute sélection de l’une des notes de la chaîne se propage à toute la chaîne… mais pas toutes les propriétés, comme nous venons de le voir ! La sélection n’est donc pas toujours évidente (surtout en mode « Engrave », qui permet de sélectionner à peu près chaque élément, chaque composant individuellement).
Si cacher des notes de musique ou des éléments de notation est tout à fait possible, en pratique la manœuvre s’avère parfois compliquée : pour les têtes de notes en elles-mêmes, il faut ruser en définissant une couleur et mettre l’opacité à 0. En revanche, cacher les hampes des notes et/ou les lignes supplémentaires est très facile depuis les versions 2 et 2.1 de Dorico Pro, grâce aux deux propriétés y afférent. Cacher les silences est maintenant possible très simplement grâce à la commande Edit > Remove Rests. Ces possibilités sont nécessaires en musique contemporaine ou dans le cadre de textes musicaux à vocation pédagogique. Je pense notamment à des textes de dictées à trous où il me fallait faire apparaître le rythme au-dessus de la portée mais pas les têtes de notes.
Quelques manques
Puisque ni une version 1, ni une version 2, ni même une version 3 ou 3.5 ne peuvent être parfaites, j’ai malgré tout ressenti quelques manques dans ce module Écriture de Dorico : d’abord, il n’est pas encore possible de créer de nouvelles nuances (avoir msffz, ou sfz/p, même s’il est déjà possible de combiner deux nuances prédéfinies), ni de lignes de glissando avec un texte personnalisé.
Autre petit élément de frustration : il n’est pas possible de cacher une armure de courtoisie, une clé de courtoisie ou une métrique de courtoisie — il faut utiliser des blocs, ce qui n’est pas toujours la bonne solution.
Dans un contexte de parties séparées, me manque aujourd’hui la possibilité de numéroter les mesures qui se répètent SANS faire apparaître le symbole %. C’est une option très importante pour moi, que ce soit dans de longues tenues ou des mesures dont le contenu se répète. Une manipulation détournée permet d’y arriver, mais il ne s’agit de rien de plus qu’un bidouillage.
Me manque aussi la possibilité d’indiquer nativement des G.P., centrées dans les mesures. Pour le moment, depuis Dorico Pro 2.2, j’ai édité le symbole de l’un des points d’orgue dans le « Music Symbols Editor ». Malheureusement, cette solution n’est pas parfaite, puisque je ne peux avoir à la fois un point d’orgue et l’indication G.P., et que le placement des G.P. ne peut par défaut pas être défini différemment (c’est-à-dire un peu plus haut au dessus de la portée) que le point d’orgue ordinaire.
Quant aux points d’orgue, ils apparaissent automatiquement sur toutes les portées, ce qui est parfait la plupart du temps, mais parfois on souhaiterait ne les faire apparaître que sur certaines portées (on peut maintenant les imiter ceci dit, en créant un élément texte ou un faux mode de jeu). Le fait que les points d’orgue soient liés entre eux verticalement dans Dorico est généralement utile, mais dans certains cas rares, il serait nécessaire de pouvoir décaler un point d’orgue sur l’une des parties instrumentales, même si ce n’est pas rigoureusement exact d’un point de vue rythmique.
Restent aussi quelques défauts d’ergonomie : les modifications de l’apparence par défaut d’un élément (forcer l’affichage d’une altération, par exemple) nécessitent de sélectionner l’objet, puis dans le panneau des propriétés d’activer l’interrupteur de déviance par rapport au défaut, puis de régler le paramètre. Selon les propriétés, il est même parfois nécessaire de passer dans le module Gravure pour y avoir accès ; cela fait trop de clics et ce point a été critiqué de nombreuses fois. Pareil pour grouper ou dégrouper certaines ligatures. Mais l’équipe de développement a expliqué son point de vue sur la question : il s’agit de la représentation la plus claire de ce qui a une apparence par défaut ou modifiée.
Propriété des objets musicaux : un manque de porosité claire entre les différentes dispositions
J’anticipe ici sur le module « Engrave », mais il me semble raisonnable de soulever ce point dès maintenant. Il s’avère que jusqu’à Dorico Pro 3.5, la plupart des modifications apportées aux propriétés des objets musicaux (en gros tout ce qui est sélectionnable dans les modules Écriture et Gravure, autrement dit les propriétés de notes, de liaisons, d’harmonique, etc.), effectuées dans une disposition donnée, n’étaient pas reportées sur les autres dispositions. Par exemple, une modification des propriétés d’apparence des glissandos (montrer ou cacher le texte), des tuplets (ratio et crochet), des liaisons de phrasé ou de prolongation (en pointillés), effectuées dans le conducteur, ne se reportaient pas automatiquement dans les parties séparées.
En effet, initialement, l’équipe de Dorico partait du principe qu’il fallait offrir la possibilité de modifier indépendamment les propriétés d’un élément dans une disposition sans que cela n’affecte les autres dispositions. D’où leur choix d’en faire des vases en grande partie non-communicants. Grande liberté, grande souplesse, donc, mais au prix d’un lourd et laborieux tribut, sous la forme d’un double travail, ingrat et particulièrement sujet aux erreurs qui plus est !
Dans la version 2.1 de Dorico Pro, une fonctionnalité de copie des propriétés d’une disposition à une autre voyait le jour, par le biais d’une sélection puis de la commande Edit > Propagate Properties, en attendant une solution à long terme. Problème partiellement résolu, donc. Toutefois dans un petit nombre de cas, certains éléments semblaient ne pas bien copier les propriétés.
Autre bémol à signaler : il fallait propager les propriétés à partir du module « Engrave », car seules les propriétés présentes dans le module en cours sont propagées par cette commande. Ainsi, depuis le module « Write », seules les propriétés présentes dans ce module, incomplètes et superficielles pour la plupart des éléments, sont propagées… Le module « Engrave » étant très lent lors d’une sélection intégrale, et ne permettant pas de sélectionner tout avec le raccourci Ctrl+A ni de filtrer une sélection, il fallait faire des allers-retours incessants entre les modules « Écriture » et « Gravure » ce qui, rien qu’à la bascule d’un module à l’autre, était très chronophage avant de pouvoir ne serait-ce qu’accéder au menu (Dorico ayant manifestement de nombreux calculs à effectuer pour savoir quelles propriétés afficher dans le panneau des propriétés). De longues heures d’attente frustrée en perspective, donc (et croyez-moi sur parole, j’ai donné !)… Par ailleurs, pour avoir lourdement personnalisé chaque petit détail dans plusieurs de mes grosses partitions d’orchestre, avec beaucoup d’instruments, de dispositions et de blocs, et beaucoup de divisi dans les cordes, l’attente s’en trouvait décuplée et je ne cacherai pas que c’était une véritable agonie…
Heureusement, l’équipe de développement de Dorico étant ce qu’elle est, c’est-à-dire très à l’écoute des besoins de ses utilisateurs, et globalement opposée à toute solution de contournement, cette commande de propagation des propriétés n’était qu’un pis-aller temporaire, une sorte de patch rapide en attente d’une solution plus fluide et plus appropriée.
C’est chose faite depuis la version 3.5 de Dorico Pro, qui nous offre une solution beaucoup plus mature et accomplie en introduisant les commutateurs de définition de portée des propriétés. Cela sonne peut-être bien mystérieux ou bien obscur pour le moment, mais nous y reviendrons bientôt.
Toutes les finesses de la gravure musicale
Nous voici dans le module de gravure, autrement dit, de finition. Dans le module « Engrave », nous sommes dans l’espace de mise en pages et de réglage de tous les détails infimes du rendu de la partition. Ici, plus question de modifier la musique, mais seulement son apparence. Dorico s’en assure en interdisant toute modification aux notes, rythmes et indications de la partition. En cas de besoin, il faut rebasculer dans le module d’écriture.
Généralement, je passe un temps assez modéré dans ce module « Engrave », ou alors par allers-retours, grâce au très bon rendu par défaut de Dorico, que j’apprécie beaucoup. Après bien des projets (plusieurs partitions d’orchestre, des partitions de musique contemporaine et de nombreuses épreuves ou chants de formation musicale), cette première impression reste vraie.
L’écran nous donne accès aux outils graphiques, de création et de modification de cadres, d’espacement des portées et des notes, et aux tranches graphiques dans le panneau rétractable à gauche. Le panneau des propriétés se trouve en bas, comme dans le module précédent, simplement plus riche en options. Enfin, le panneau rétractable de droite regroupe les outils d’accès aux pages de la disposition active, aux pages maîtresses, aux en-têtes de blocs, etc. En somme, rien d’inhabituel pour une personne habituée aux logiciels de PAO. Et comme dans les autres modules, la partition, au centre de tous ces panneaux.
Quant à la musique, cette fois-ci, plus question de vue défilée. Le passage dans ce module entraîne automatiqueement un affichage en mode page. Plutôt logique, pour le module de gravure et de mise en pages.
Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup à dire sur ce module, mais il est tellement riche que je vais devoir faire une sélection. De nombreuses options sont réglables dans les « Engraving Options » ; j’ai beaucoup apprécié que l’unité soit les « spaces », ce qui est plus conforme à la pratique de la gravure traditionnelle (même si sur Finale on peut choisir cette unité, ce n’est pas le réglage par défaut). Les options sont d’ailleurs très parlantes, et il est agréable de naviguer parmi elles, Daniel Spreadbury s’étant inspiré de “Behind Bars” de Elaine Gould pour leur présentation.
Les ligatures sous Dorico
Les angles de ligatures est un sujet sur lequel je suis encore très partagé, après pourtant des années de pratique. J’ai changé d’avis plusieurs fois, essayé différentes choses et je ne suis pas certain d’avoir atteint ma perfection. En regardant le rendu par défaut des angles de ligatures de Dorico, ceux-ci semblent au premier coup d’œil parfois caricaturaux, mais il m’est difficile de dire si cette impression est dûe à l’habitude du rendu plein de platitude des logiciels habituels : en tout cas, en les survolant rapidement du regard, dans l’ensemble ils semblent assez conformes au Ted Ross a priori, et en tout cas très supérieurs aux défauts de Finale : au moins les croisements avec les lignes de portées sont réglementaires !
Ici je n’ai donc éprouvé aucun besoin d’apporter des modifications au rendu par défaut des ligatures de Dorico, ce qui est un très bon point ! Avec Finale il me fallait utiliser un plug-in pour avoir une apparence décente, puis repasser un coup individuellement derrière manuellement… Si dans le cas présent le graveur a moins voire aucun angle de ligatures à retoucher, cela représente un gain de temps potentiel considérable !
Créer une rupture des ligatures secondaires ou créer des ligatures sépciales est très facile.
Les « feathered/fanned beams » (accelerando ou rallentendo) sont très simples à réaliser.
Créer des ligatures qui enjambent les barres de mesure aussi ; un immense progrès, qui fera gagner beaucoup de temps et d’ajustements pour la préparation de parties séparées.
En revanche, il ne semble pas encore possible d’allonger librement les ligatures comme on le voit quelquefois dans certaines partitions de musique contemporaine.
Pour terminer cette partie consacrée aux ligatures, créer des trémolos n’a jamais été aussi facile (fini les plug-ins pour Finale !), et Dorico place les traits/ligatures dans les règles de l’art (aussi bien pour les trémolos entre deux notes que sur une seule note). Là aussi, j’apprécie de n’avoir plus à retoucher individuellement chaque trémolo, ce qui me fait gagner des heures de travail et d’effort !
Rien qu’avec les ligatures, j’économise donc des heures et des heures sur chaque projet par rapport à l’époque où je travaillais sous Finale.
L’espacement horizontal sous Dorico
Venons-en à l’espacement horizontal : les puristes trouveront sans doute encore à y redire, comparant Dorico avec le légendaire logiciel Score. Moi personnellement, je trouve l’espacement par défaut beaucoup plus convaincant que celui que je connais dans Finale.
Les altérations ne perturbent pas l’espacement, et ne font de la place que lorsque c’est indispensable pour éviter une collision. Par ailleurs, il est possible d’activer la correction optique de l’espacement lorsqu’une note dotée d’une queue vers le bas précède une note avec une queue vers le haut : enfin ! Et de plus, les altérations sont empilées de façon bien supérieure dans les accords chargés : finies les retouches systématiques obligatoires !
Les seules réserves que j’émets concernent l’espacement autour des petites notes. L’équipe de développement convient qu’il y a encore du travail à réaliser sur cet aspect-là.
Mais ce n’est pas tout ! Lorsqu’on crée un glissando entre deux notes, Dorico dilate automatiquement l’espacement horizontal pour que la ligne soit visible (un problème bien souvent rencontré dans Finale dans les glissandos entre des notes de valeurs courtes). Malheureusement, impossible d’avoir un interrupteur de passer-outre au cas par cas, quand un glissando se fait entre des notes non consécutives, ce qui cause une distorsion inutile de l’espacement.
Même chose pour les très courts crescendos (si l’on excepte la disparition de certains très courts < ou >), qui ne ressemblaient à rien ou nécessitaient un ajustement manuel perpétuel de l’espacement dans Finale (possible dans une partie séparée, mais parfois compliqué sur une partition d’orchestre), mais qui sont ici très bien gérés par Dorico.
L’espacement vertical sous Dorico
Concernant l’espacement vertical, Dorico évite les collisions de lui-même et calcule l’espace entre les portées automatiquement de façon généralement satisfaisante.
J’ai remarqué que dans Dorico Pro 2 puis Dorico Pro 2.1, il semble que l’algorithme ait subi des modifications. D’une part, il est devenu possible de sélectionner des éléments textuels ou des modes de jeu et d’activer une option pour ne pas les prendre en compte dans la détection des collisions. D’autre part, dans les versions précédentes, il y avait parfois des problèmes d’espacement des portées dans certaines configurations où de nombreux éléments de texte et de modes de jeu étaient présents, ce qui produisait des gros pâtés dans les partitions d’orchestre, avec plusieurs portées les unes au dessus des autres. Cela semble bien mieux géré depuis la version 2.1 en particulier, car ces cas se sont pour la plupart résolus dans mes projets.
Par ailleurs, pas d’outil pour rejustifier verticalement les systèmes quand on décale le système du haut ou celui du bas. J’aimerais avoir un vertical justification override qui prenne en compte les modifications de l’espacement vertical et les incorpore en recalculant la justification.
Il s’agit là de la seule fonctionnalité que j’aurais aimé récupérer de Finale : j’aimerais pouvoir, sur certaines pages un peu chargées, activer un override et dessiner moi-même le cadre englobant autour du ou des systèmes, et ensuite manuellement demander à Dorico de recalculer l’espacement vertical de la page. Dorico est pris dans une dépendance circulaire pour calculer l’espacement vertical idéal, aussi je comprends que l’algorithme doive se contenter d’estimations, et une solution manuelle pourrait suffire à corriger harmonieusement les pages qui débordent un peu.
Il est aussi pour le moment nécessaire de repositionner chaque système individuellement (à la souris, ceux qui se trouvent en dessous ne bougent pas). Je trouve qu’il manque encore des outils dans cette partie du logiciel.
La mise en pages dans Dorico : comme dans un logiciel de PAO !
La mise en pages, cet espace tant redouté des utilisateurs de Finale, et qui demande bien souvent des années avant une maîtrise satisfaisante, est dotée d’une base puissante, inspirée des logiciels de PAO tels que InDesign.
Des modèles (pages maîtresses, en-têtes de blocs, etc.), que l’on applique aux pages de la partition. Un régal ! Ajoutons les blocs et la possibilité de les placer n’importe où, et on comprend que les meilleurs jours sont à venir.
On peut créer des overrides pour changer de page maîtresse ou modifier directement les cadres au coup par coup, mais je recommande de ne réserver ces overrides qu’aux endroits strictement nécessaires.
Quelques limitations seront sans doute plus ou moins prochainement abolies : quand on s’habitue au meilleur, on en demande toujours plus ! (possibilité de copier-coller des cadres directement d’une page à l’autre, par exemple)
J’ai préparé de nombreuses épreuves de formation musicale sous Dorico au cours des dernières années, et je dois avouer que le logiciel est vraiment agréable à utiliser pour ce type de travaux.
La mise en pages par défaut proposée par Dorico est de toute manière généralement assez bonne. Forcer un certain nombre de mesures par système ou un certain nombre de systèmes par page est très facile au coup par coup. Je ne parle pas ici du recours aux options présentes dans les options de disposition, qui permettent de verrouiller la mise en pages à par exemple 4 mesures par système et 4 systèmes par page tout du long de la partition.
Sur le cadre et l’étendue des propriétés dans Dorico
Nous voici de retour sur cette histoire de périmètre du champ d’action des propriétés dans Dorico.
S’il était nécessaire de propager les propriétés de chacune des modifications apportées aux objets dans le panneau des propriétés pour que les différentes dispositions représentent de la même manière cet objet, depuis Dorico Pro 3.5 nous disposons d’un concept et d’un interrupteur qui homogénéise la modification des propriétés dans les différentes dispositions.
En effet, que nous nous trouvions dans le module Écriture ou le module Gravure, le panneau des propriétés comporte dorénavant un commutateur qui nous permet de définir le périmètre d’action de l’édition des propriétés. Ainsi, nous pouvons définir les propriétés localement, c'est-à-dire uniquement dans la disposition active, ou globalement, autrement dit à l’échelle du projet et de toutes les dispositions qui comportent l’objet édité.
Ce concept de portée des propriétés est donc très utile mais nécessite de garder la tête bien sur les épaules. Par défaut, je le place toujours sur Global. Occasionnellement, quand je prépare des parties séparées, je dois apporter quelques retouches locales, auquel cas je place l’interrupteur sur Local avant de le replacer immédiatement sur Global dès la modification faite.
Comme, précédemment à l’introduction de ce commutateur, j’avais dû propager les propriétés dans mes fichiers pour assurer la cohérence entre mes conducteurs et les parties séparées associées, j’ai suivi les instructions que m’a données Daniel Spreadbury : j’ai sélectionné tout en mode Écriture, puis j’ai basculé dans le module Gravure, et j’ai propagé les propriétés en m’assurant que l’option Globale était bien active. Cela m’a permis de remettre en Global toutes les propriétés alors disparates, et cela s’est fortement ressenti sur la taille des fichiers !
Détails de gravure dans Dorico
Dorico grouille littéralement d’options de personnalisation. Je vais me limiter à n’en mentionner que quelques-unes qui ont attiré mon attention ou m’ont paru particulièrement utiles.
Commençons par les lignes supplémentaires. il y a deux points que j’aime beaucoup : d’une part il est possible de retoucher leur longueur au cas par cas (impossible dans Finale à ma connaissance ; je le sais, j’ai souvent cherché !). D’autre part, lorsqu’une note en lignes supplémentaires est dotée d’une altération, la ligne supplémentaire est raccourcie au niveau de l’altération pour permettre de la rapprocher de la tête de note qu’elle affecte ! Enfin, il est possible de demander à Dorico de raccourcir les lignes supplémentaires dans les « runs » (fusées et autres traits), qui autrement rendent bien souvent singulièrement confuse la lecture, faisant apparaître virtuellement une portée à sept, huit ou dix lignes à cause des collisions de lignes supplémentaires trop rapprochées !
Pour continuer sur le chapitre des possibilités extrêmement bienvenues, parlons des textes étirables : ral-len-ten-do, etc. Oui, maintenant il devient possible de demander à Dorico de scinder le mot en plusieurs syllabes et de les répartir convenablement en fonction de l’espacement : finies les heures passées à créer une ligne personnalisée dans Finale, pour chaque partie séparée (et je l’avoue, la plupart du temps j’ai même capitulé et saisi le texte suivi d’une ligne, tout simplement). Cette fonctionnalité de textes de changements graduels est implémentée pour les tempos et pour les nuances ; peut-être plus tard aussi pour les textes ou au moins les modes de jeu ? (poco a poco sul pont.)
Dorico propose des soufflets de crescendo/diminuendo standards, mais aussi pointillés ou en petits points ! Pareil pour les liaisons (« slurs » et « ties ») ! Excellent, pour un usage éditorial, pour établir une édition critique par exemple (cependant, comme je l’ai mentionné plus haut, lorsqu’une tenue est scindée en plusieurs notes, il faut sélectionner individuellement chacune des liaisons pour que l’apparence les affecte toutes, car simplement sélectionner la note tenue ne modifie que la première liaison !). Nous sommes aussi gratifiés de véritables soufflets avec l’œillet de niente (qu’est-ce que j’ai pu perdre de temps sous Finale à les simuler) !
Malheureusement, les liaisons de phrasé (slurs) ne sont pas toujours belles par défaut, je leur trouve parfois un côté Sibelius, qui m’a toujours déçu sur ce créneau. Parfois je les trouve trop bombées, parfois trop plates. Toutefois, je dois admettre que nombreuses sont celles que je n’ai pas besoin de retoucher dans les cas courants ; mon œil est peut-être encore un peu trop habitué à Finale, ce qui n’est pas ici forcément une bonne chose, d’autant que je n’ai pas toujours un avis bien arrêté sur la question de leur forme idéale. Au fil des itérations de Dorico, je dois toutefois remarquer que j’ai été de moins en moins choqué par cet aspect. Peut-être mon œil s’est-il habitué, ou peut-être que le changement progressif de mes paramètres par défaut de liaisons de phrasé, conjointement à des améliorations internes à Dorico ont suffi à me satisfaire.
Dorico permert de réaliser des clusters ou des accords chargés avec des queues scindées (« split-stems ») en toute facilité ! Encore une option étonnante et géniale, alors que le même résultat me prenait des heures dans Finale.
Dans les progrès réalisés depuis la sortie initiale de Dorico, il est maintenant possible de redimensionner un passage, pour réaliser un à défaut par exemple (les répliques ayant une fonctionnalité dédiée, comme nous l’avons signalé plus haut).
Par ailleurs, bien que peu mise en avant et peu annoncée, la fonctionnalité de création de liaisons de laissez vibrer est ENFIN implémentée de façon satisfaisante dans un logiciel ! Certes, il serait appréciable que Dorico aligne la terminaison des liaisons de l.v. dans les accords, mais sans doute cette amélioration viendra-t-elle à temps.
Au fil des versions de Dorico, le logiciel s’est enrichi de tout un arsenal d’éditeurs en tous genres. Un « Notehead Set Editor » a fait son apparition avec la version 2.1, ce qui permet de créer des ensembles cohérents de têtes de notes personnalisées. Dans Dorico Pro 2.2 c’est un « Music Symbols Editor » qui a été ajouté, nous permettant d’éditer tous les symboles musicaux. Aujourd’hui, nous avons également plusieurs éditeurs qui nous permettent de créer et modifier les lignes horizontales et verticales à notre convenance, mais j’en ai déjà parlé.
Les limites du module « Gravure »
Après avoir préparé plusieurs matériels de pièces contemporaines et de grosses pièces d’orchestre (conducteur de près de 250 pages, matériel de pratiquement 800 pages), je dois être franc et dire que si globalement le travail est largement plus rapide que dans d’autres logiciels de notation musicale par bien des aspects, les limitations dont j’ai parlé tout au long de cet article m’ont parfois fait perdre beaucoup de temps. Notamment ces histoires de propriétés à propager et re-propager et mes divisions de cordes souvent complexes. Il en va également de ma faute, parfois par manque de plannification (initialement je n’avais pas défini les tucking index des modes de jeu), parfois à cause du temps qui m’a été nécessaire pour apprivoiser certaiens fonctionnalités que je n’avais pas encore utilisées et que j’ai découvertes sur le tas (la condensation, par exemple).
De toute façon, pour préparer un bon matériel, soyons clairs : il n’y a nul secret, cela demande du temps, de la concentration et du savoir-faire, pour une mise en page homogène et des tournes convenablement placées.
Habitué aux styles de portées de Finale, je me sens pour le moment très limité sur les portées (je suis parfois fantaisiste) : notamment, je n’ai pas la possibilité de créer de score « cut-out » (même si on avance dans cette direction avec la fonctionnalité de divisi, ossias et ajout de portées n’importe où, il n’est toujours pas possible de cacher les mesures vides des portées existantes), ni de portées avec un nombre particulier de lignes (hors percussions).
Je trouve aussi dommage que les étiquettes de changement d’instrument (pour les bois ou les percussions, en général) ne puissent bénéficier de la propriété Erase background (effacer arrière-plan). Cela vient sur certaines pages gâcher la propreté et la netteté d’un résultat par ailleurs excellent.
Mais hormis cette omission, ce module de gravure remplit plutôt bien son rôle.
Un playback pas si rudimentaire
Nous voici dans le module de lecture. Ici, les outils sont regroupés dans le panneau de gauche, et la configuration des instruments VST et MIDI se fait dans le panneau de droite. Au centre, la musique est cette fois-ci représentée sous forme de piano roll. Pour les options d’Expression Maps, Percussion Maps et compagnie, il faut fouiller dans le menu Lecture.
Je me suis relativement peu intéressé au module « Play » de Dorico, puisque cet aspect m’est à peu près égal, ne m’y intéressant superficiellement qu’au gré de mes besoins. Le playback est encore incomplet — le playback des modes de jeux notamment n’est pas toujours fiable, quoiqu’aujourd’hui cela relève souvent d’Expression Maps incomplètes ou de problèmes de paramétrage des groupes d’exclusion mutuelle —, mais l’automation, le piano roll, les Expression et Percussion Maps, ainsi que la possibilité de spécifier la hauteur du diapason et pléthore d’autres options, présagent d’un avenir intéressant, qui comblera peut-être progressivement le fossé qui sépare encore aujourd’hui les logiciels de notation musicale professionnels et les séquenceurs.
En effet, Dorico dispose du moteur audio de Cubase… Même si l’intégration entre les deux logiciels est encore incomplète, il y a pire ! Et c’est un bon début.
Depuis Dorico Pro 2, il est possible de synchroniser une vidéo, d’ajouter des marqueurs, et c’est le premier logiciel de notation musicale à supporter nativement et automatiquement le playback non seulement des quarts de ton, mais aussi plus généralement des micro-intervalles ! Fantastique.
Dorico, compatible avec les instruments VST
Si Dorico Pro est livré avec HALion Sonic SE, HALion Symphonic Orchestra, Soundiron Olympus Choir Micro et Keda Indian Drum Basics, qui assurent un rendu audio standard allant de tout juste correct à acceptable selon le type de répertoire musical abordé et l’exigence que vous portez à la partie audio, le choix le plus facile et le plus évident est probablement d’acquérir une licence de Wallander Instruments NotePerformer.
En effet, pour un coût très modeste, NotePerformer travaille main dans la main avec Dorico pour offrir un rendu rapide, sans effort et tout à fait acceptable dans la plupart des situations musicales. Aucune configuration à effectuer par défaut (à moins de vouloir fouiller un peu plus les réglages d’usine ou d’enrichir les Expression Maps), ainsi que la possibilité avec une seule licence d’utiliser NotePerformer aussi bien dans Dorico que dans Finale et Sibelius sur la même machine, NotePerformer brille par sa simplicité.
Mêlant échantillons et synthèse, grâce à une modélisation par intelligence artificielle, les algorithmes de NotePerformer produisent un résultat généralement musical, et en tout cas bien plus convaincant que les sons Garritan généralement utilisés (et en partie livrés) avec Finale, bien plus mous. Les sonorités de NotePerformer sont plutôt dynamiques, et brillent particulièrement dans les partitions chargées et actives. Les nuances extrêmes, en particulier dans les pp et moins, sont moins probantes. Seul manque vraiment notable à mon goût dans les sons de NotePerformer : le sul ponticello pour les instruments à cordes.
Pour le reste, il ne faut évidemment pas trop en demander à NotePerformer pour qui écrit de la musique contemporaine avant-gardiste ou simplement prospective. J’ai appris à m’en contenter, et c’est bien suffisant pour ces partitions de musique qui ne peuvent de toute façon trouver leur plénitude que dans une salle de concert, interprétée par de vrais musiciens : cela donne une certaine idée des contours rythmiques de l’œuvre et c’est déjà pas mal. Pour ces pièces-là, le reste se passe dans l’écoute intérieure.
Kontakt fonctionne bien sûr dans Dorico, et c’est également le cas d’un grand nombre d’instruments VST.
Autres options de lecture
Depuis Dorico Pro 3, le module Lecture permet un playback indépendant des voix. Pour les divisi, voilà qui est bien utile ! Ou pour alterner des passages avec un son de soliste et ceux avec le son d’une section au grand complet par exemple. En pratique cependant, cette option peut se révéler assez compliquée et peu intuitive à paramétrer, mais elel a le mérite d’exister.
Pour relier les indications textuelles de modes de jeu au playback (évidemment à condition que le mode de jeu en question soit pris en charge par la banque de sons utilisée), il est nécessaire de créer trois éléments : 1. Une technique de lecture (dans le module Lecture) ; 2. L’indication textuelle de mode de jeu (dans le module Écriture), reliée à la technique de lecture précédemment créée ; 3. Une entrée correspondante dans les Expression Maps.
Dorico propose la création et l’utilisation de Playback Templates (Modèles de lecture), qui permettent d’enregistrer des configurations et d’affecter les bonnes sonorités au bons instruments avec le minimum (voire pas) de configuration.
Et pour qui souhaite creuser davantage la programmation de ses maquettes, Dorico offre déjà pas mal d’options à travers le piano roll et les autres outils.
Étape finale d’un projet
Enfin, nous voici à la dernière étape de notre projet, dans le module d’impression. Nous disposons ici de tous les outils nécessaires pour imprimer ou exporter notre partition terminée.
On commence par sélectionner les dispositions voulues dans le panneau des dispositions, à gauche de l’écran. Les options d’impression ou d’exportation sont pour leur part regroupées dans le panneau à droite de l’écran, et proposent tout ce qu’on peut attendre de ce module. L’aperçu de la partition se fait au centre, comme dans les autres modules, mais ici sans les pancartes et autres indications non-imprimables.
Notons que l’exportation de tranches seulement se fait depuis le module de gravure, et l’exportation au format MusicXML, depuis le menu File > Export.
Je ne me suis pas attardé dans ce module, mais j’ai constaté qu’il m’apportait toutes les options que je pouvais en attendre : impression, export PDF ou graphique, y compris la possibilité d’imprimer en booklet ! Rien à dire ni à redire pour le moment. L’impression ou l’export en PDF ont toujours produit le résultat que j’en attendais.
Ai-je apprécié travailler dans Dorico ?
Beaucoup d’utilisateurs se sont plaints de problèmes de lenteur du logiciel, et j’y ai déjà consacré toute une partie : certes, Dorico n’est pas une flèche, et même, on peut dire qu’il est assez lent pour certaines tâches (dans le module « Setup » notamment), mais l’équipe de développement promet une optimisation conséquente au fil des prochaines mises à jour, ce qui s’est déjà considérablement amélioré depuis la version 1 et s’est poursuivi de façon particulièrement marquée avec les versions 2, 2.1 et 2.2.
Il est vrai que l’ouverture d’un fichier *.dorico peut prendre beaucoup de temps, sur un gros projet. Mais à part ce défaut, personnellement, cet aspect de réactivité médiocre ne m’a pas trop gêné. Initialement, j’étais de toute façon très lent et pas très efficace, avec tous les concepts nouveaux et les paradigmes audacieux de Dorico à assimiler.
Aujourd’hui, après pratiquement quatre ans d’utilisation, je suis plutôt rapide, et même plus rapide que dans Finale. J’ai rencontré, rarement, quelques crashs, mais suffisamment rarement pour que cela n’ait pas été un vrai problème ; la plupart du temps, quitter puis relancer Dorico a résolu le problème.
Personnellement, je suis TRÈS satisfait de ce que j’ai trouvé dans ces quatre premières (la version 3.5 comptant pour une !) versions de Dorico : il manque encore beaucoup de choses, mais il y a déjà beaucoup de choses ! L’ampleur du chemin déjà parcouru au cours des mises à jour incrémentielles présage à mon avis que le meilleur est devant nous.
Autant je grince des dents les rares fois où je suis encore obligé d’ouvrir Finale pour maintenir un ancien projet, autant j’accueille généralement l’ouverture de Dorico sans trop d’appréhension.
Dans la version 1, le plus grand manque pour moi se trouvait dans le module « Setup », car je voulais une liberté totale dans le groupement et l’étiquetage des portées, sans avoir à m’en remettre au logiciel pour numéroter les portées, ainsi que la possibilité de vérifier la définition d’instrument pour une portée donnée (au-delà de l’étiquette, qui peut être changée). C’est moins vrai aujourd’hui. Dorico a accompli des prouesses dans bien des domaines, et je pense qu’il est maintenant possible de graver des œuvres orchestrales. Il faut notamment souligner la puissance de l’automatisation de la gravure, qui m’est devenue indispensable, tant la gravure par défaut de ce logiciel me plaît, et tout cela avec un effort bien moindre qu’avec Finale.
Si j’ai régulièrement perdu du temps dans Dorico, c’est en grande partie pour mettre à jour mes fichiers avec les fonctionnalités natives introduites par les nouvelles versions, parmi lesquelles les liaisons de l.v., les pédales de harpe, les ligne horizontales, les harmoniques et les propriétés globales. J’aurais pu laisser mes fichiers originaux dans leur état initial, avec des solutions de contournement, mais j’ai préféré les mettre à jour pour la plupart, afin de les rendre plus maintenables et leur faire bénéficier des nouvelles fonctionnalités. Par ailleurs, les heures perdues à propager et re-propager les propriétés n’auront plus lieu d’être à l’avenir, grâce à l’interrupteur de portée des propriétés, qui me permettra d’affecter directement toutes les dispositions.
J’ai donc toutes les chances de travailler encore plus sereinement dans Dorico à partir de maintenant. Mon modèle personnalisé commence d’ailleurs à être bien fourni, autant en terme de richesse de configuration selon mes préférences que de la bibliothèque de modes de jeux, des Expression Maps et des polices personnalisées que j’ai configurés. Dernièrement, j’ai donc énormément gagné en efficacité.
Par ailleurs, ce qui pourrait bien représenter le plus grand atout de ce logiciel, c’est sans aucun doute son équipe de développement : sur le forum, plusieurs membres lisent les fils et répondent promptement aux questions, prenant note des bugs et des requêtes. De son côté, Daniel Spreadbury a toujours répondu à mes pourtant trop longs emails. J’ai aussi été pris en charge avec un grande promptitude et efficacité par l’un des membres chargés du module audio, alors que je rencontrais un problème audio encore peu signalé, suite à une mise à jour de Windows (d’ailleurs, ni Dorico, ni Windows n’y étaient pour quelque chose dans ce cas particulier !). Une équipe à l’écoute de ses utilisateurs, voilà qui est précieux.
Recommanderais-je Dorico ?
Aujourd’hui donc, à la date de publication de la dernière révision de cet article, recommenderais-je Dorico ? Si vous possédez déjà une licence Finale, Sibelius ou Notion, si vous êtes éducateur ou étudiant, voire si — encore mieux — vous cumulez ces deux conditions, ma réponse est clairement : « Oui ».
Malgré l’état de « développement en cours » de Dorico et quelques manques, clairement, le logiciel a accompli une progression fulgurante en moins de quatre ans d’existence, et je vois peu de raisons de ne pas sauter le pas. Au fil des mois, les lacunes se comblent à une vitesse phénoménale, et aujourd’hui je vois plus d’avantages que d’inconvénients à adopter Dorico.
Je dois même avouer que sur certains travaux en cours, pourtant grand partisan de l’écriture sur papier, j’ai eu la bonne surprise de constater que pour la première fois, la liberté que m’offrait un logiciel de notation musicale m’aidait plutôt que de se dresser en travers de mon chemin, ce qui pendant le processus de développement de certaines œuvres s’est avéré providentiel (quarts de tons natifs et souplesse rythmique m’ont offert une liberté incroyable). Je n’aurais pas pu écrire certaines de ces pièces autrement : ni à la main, ni dans un autre logiciel de notation musicale. Point.
Dorico est un logiciel que je trouve globalement bien pensé, mis à part quelques sauts de logique et quelques choix discutables, qui peuvent instaurer une certaine confusion lors de la réalisation de certaies tâches. Je pense notamment à la désorientation que je ressens souvent pour localiser certaines règles : les trouverai-je dans les options de disposition, dans les options de notation, ou encore dans les options de gravure ? La frontière séparant les unes des autres étant parfois difficile à déterminer, je suppose que certaiens ont parfois été établies de manière presque arbitraire. Si l’on considère que Dorico est un logiciel très riche, et donc déjà très complexe, malgré son jeune âge, rien d’anormal dans ce constat.
Pour la gravure de pièces pour piano (cross-staff, espacement optique et doigtés complexes notamment) ou de petites formations, je pense que Dorico est déjà très avancé, malgré quelques manques que nous avons évoqués.
Pour les partitions avec de grandes formations orchestrales, alors que j’avais des réserves jusqu’à la version 2, je pense qu’aujourd’hui Dorico Pro 2 est prêt à aborder le répertoire symphonique avec sérénité.
Notons également la sortie, depuis la version 2, d’une version réduite de Dorico, nommée Dorico Elements, permettant, pour un tarif très modeste, de travailler jusqu’à douze instruments, mais sans mode « Engrave ». Idéal pour les petites structures et les professeurs, idéal pour se familiariser à moindre coût avec Dorico avant de décider si la version Pro vous conviendrait mieux.
Les seules réserves que j’émettrai concernent les utilisateurs dont les besoins ne sont pas couverts par Dorico dans son stade actuel de développement. La seconde catégorie de personnes à laquelle je pense est celle qui travaille dans des industries où les processus sont déjà bien établis, bien ancrés, optimisés par des années de pratique et de réflexes, et pour lesquelles la rapidité et l’efficacité règnent en maîtresses absolues ; par nécessité de ne rencontrer aucun obstacle, aucune lenteur logicielle, aucun tatônnement ; par exigence d’employer au mieux chaque seconde et de n’en perdre aucune. (Je pense ici à certains collègues qui travaillent dans l’industrie de la musique commerciale et de la musique à l’image.) Si vous entrez dans l’une de ces catégories, peut-être est-il encore trop tôt pour vous, pour vous plonger dans ce qu’à à vous offrir Dorico.
Quoi qu’il en soit, sauter dans le wagon dès maintenant permettra à mon avis de se familiariser avec les processus de Dorico, sans urgence, et le jour où le logiciel aura réglé quelques problèmes (de lenteur en particulier) et comblé ses lacunes, je pense qu’il sera d’une aide inestimable pour tous ces métiers qui ont besoin quotidiennement d’un logiciel de notation musicale puissant, performant et relativement facile d’utilisation. Chaque ajustement en moins représente un gain de temps et un obstacle en moins à la créativité et à l’efficacité du travail. Éliminons-en autant que possible, et voilà qui devient indispensable.
C’est ce que nous offre ET nous promet Dorico. Aujourd’hui, par bien des aspects, le logiciel dépasse déjà Finale et Sibelius, alors prenons-nous à rêver à ce que sera demain…
Dans tous les cas, espérons que l’arrivée d’un nouveau venu attisera la concurrence et réveillera leur compétitivité et leur désir de rester au moins à jour dans l’innovation. En ce qui concerne Finale, il semblerait que la version 26 ait marqué l’avènement de certaines propriétés de placement automatique des articulations. Un pas en direction de la mise en pages magnétique ? Il était temps ! Est-ce là le dernier sursaut de Finale avant son abandon, rendant orphelins des milliers d’utilisateurs passés à travers le monde (avec un fond parfois considérable de fichiers réalisés sous Finale au cours des années et des décennies) ? Ou est-ce le début d’une nouvelle ère ?…
Mais pour en revenir à Dorico et terminer cette critique, relever le standard de rendu de la notation musicale, voilà qui pourrait bien devenir réalité pour ses utilisateurs ; les experts connaissent déjà les règles, mais les autres (professeurs de formation musicale ou d’instrument, étudiants, arrangeurs, orchestrateurs, compositeurs) en ignorent souvent bien des aspects, hélas, et si Dorico en prend la charge demain avec un niveau de qualité inégalé, cela pourra s’avérer indubitablement bénéfique sur les moyen et long termes : pour eux-mêmes, mais aussi pour les musiciens derrière leurs pupitres, car un conducteur et un matériel bien préparés permettent de se concentrer sur la musique, et rien d’autre ; c’est à cela que sert la notation, et c’est en cela que la gravure musicale devient presque un art pour trouver la plus grande simplicité et la solution la plus élégante pour représenter l’essence et l’abstraction d’une musique sur le papier.
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Cet article s’intéressait aux versions 1 à 3.5 de Dorico Pro.
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