pour orchestre symphonique
Année de composition : 2022
Durée : 15’ (53’ avec les “5 Æncres Marines”) — (d’autres assemblages sont possibles)
Nomenclature : 2 Fl. (1° & 2° aussi Pte Fl.) / 2 Htb. (2° aussi C.A.) / 3 Cl. (3° Cl. B.) / 2 Bsn (2° aussi Ctbsn) / 2 Cors / 2 Trp. / Timb. / 2-3 Perc. / 9 Vl. I / 7 Vl. II / 5 A. / 4 Vlc. / 3 Ctb.
Difficulté d’écoute : *** Difficile
Mouvements :
Nombre de notes : 52 784 notes
Nombre de mesures : 396 mesures
Nombre de pages (conducteur) : 60 pages
Nombre de pages cumulées (matériel) : 386 pages
Composés un peu moins d’un an après, les “4 Interludes Pittoresques” viennent compléter et augmenter le cycle des “5 Æncres Marines”, en s’intercalant entre les mouvements du cycle directeur.
La principale différence entre les deux cycles, complémentaires, repose dans la moindre envergure apportée au traitement des concepts explorés dans les “4 Interludes Pittoresques”, et la durée générale plus courte du cycle secondaire par rapport au cycle principal. Les phénomènes associés à l’océan et à la mer y sont aussi plus imagés, d’où l’adjectif « pittoresque » dans le titre.
Dès lors, il est possible de représenter en concert ces deux œuvres de manière modulable : 1. les “5 Æncres Marines” seules (39 minutes) ; 2. les “4 Interludes Pittoresques” seuls (15 minutes) ; ou, idéalement, 3. les “5 Æncres Marines”, entre les mouvements duquel viennent s’intercaler les “4 Interludes Pittoresques” (53 minutes).
Mais il est également possible de moduler le cycle de bien des manières, en effectuant une sélection et un assemblage de mouvements extraits des deux cycles, tout en respectant une progression dramatique :
Assemblage 22 minutes :
Assemblage 26 minutes :
Assemblage 39 minutes :
À partir du moment où j’ai décidé de me tenir éloigné de toute matière trop intrinsèquement musicale (pas de mélodie, pas d’harmonie, pas de motif clairement répété), il ne me restait plus comme possibilité que de : 1. travailler la matière brute, la sculpter, en me concentrant sur le geste et le mouvement de la matière musicale (horizontalité statique ou texturée, montées/descentes chromatiques voire micro-chromatiques, glissades, mouvements disjoints, clusters, harmonies détachées de toute relation tonale) ; 2. ciseler les timbres, voire synthétiser les timbres à travers l’orchestration ; 3. travailler les masses et les flux sonores (crescendo/diminuendo, « vagues », etc.) ; 4. travailler le déploiement de la matière brute dans le temps, ce qui permet toutes sortes d’évolutions et de transformations.
J’ai beaucoup travaillé sur la temporalité dans ces pièces (“Je suis un déstructureur d’intemporalité”, dirais-je si j’étais un Inconnu !), en cherchant à atteindre une “vérité” au niveau de l’écoulement du temps face à la matière musicale, c’est-à-dire un déroulement dans le temps qui soit juste, et pile ce qu’il doit être — ni plus long, ni plus court —, comparativement à certaines œuvres où le temps musical semble contraint — étiré ou compressé pour satisfaire un plan un peu rigide établi au préalable par le compositeur, ou lié à d’autres contraintes. Afin d’y parvenir, je ne me suis fixé aucune contrainte temporelle au départ, pour chacune des pièces, laissant le matériau musical de chacune d’elles me dicter la durée parfaite, celle sur le fil du rasoir.
À eux deux, les cycles de “5 Æncres Marines” et les “4 Interludes Pittoresques” forment presque une série d’« études » ou une sorte de grand « concerto » pour orchestre, tant j’y triture le matériau musical en cherchant à m’affranchir de toute musicalité trop ouverte. C’est aussi pour chaque musicien de l’orchestre sans exception, du dernier Violon II du fond au Timbalier, du deuxième Basson au premier Violon, d’exprimer sa virtuosité, sans pour autant être franchement exposé individuellement. Mais si j’ai tenté d’en faire le royaume du viscéral, je ne voulais en aucune manière sacrifier la lisibilité de chacune des 9 pièces individuelles qui composent les deux cycles.
On peut noter comme récurrence tout au long du cycle, que chaque mouvement commence par une image d’abord lointaine et floue, puis les contours se précisent, la mise au point se fait, et nous, spectateur, y restons un petit moment, avant que ne commencent de nouveau à s’estomper les bords de l’image et que ne se dissolve la musique, dans une sorte de forme en arche perpétuellement renouvelée. J’ai cherché par ce biais à établir la fois une unité à l’échelle de chaque pièce, mais aussi une construction plus large à l’échelle du cycle intégral. Ainsi, dans les quatre premiers mouvements, j’explore essentiellement les mouvements de progression ascendants, alors qu’à partir de la pièce centrale, “Les Embruns”, je bascule plutôt sur des progressions descendantes. Souvent, d’ailleurs, mouvements descendants et ascendants coexistent au sein de la dramaturgie.
Voici maintenant quelques mots sur chacun des “4 Interludes Pittoresques” :
Phénomènes évoqués musicalement : les dunes de sable fin, le vent qui agite la bruyère, lièvres et lapins qui sautillent dans les herbes de la lande
J’en conviens, ma vision d’artiste des dunes de sable pourrait, au premier abord, faire penser davantage aux plages du Débarquement qu’à un coin paisible de la côte bretonne. Pourtant, je suis bien parti des lignes ascendantes des dunes, puis du sautillement des lièvres et des lapins dans la végétation.
J’ai choisi ici d’évoquer ces deux aspects en forcissant le trait, afin de mieux contrebalancer la construction générale du cycle des “4 Interludes Pittoresques”, puisqu’il s’agit de la pièce d’ouverture. Intégré au cycle plus large des “5 Æncres Marines”, ces grandes montées ascendantes permettent également de préparer le terrain pour le mouvement suivant, “Marée Montante”, dont le caractère ascensionnel est bien tout l’objet.
Phénomènes évoqués musicalement : l’assaut inlassable des vagues, l’île au loin derrière un rideau de pluie, la fricassée de gouttes d’eau sur les rochers, la grisaille lancinante et monotone
Ce mouvement sert essentiellement de respiration par sa monotonie, en particulier lorsqu’il suit “Marée Montante”. Lorsqu’il précède “Les Embruns”, l’ambiance sonore terne et en simili-plateau de “L’Île par Gros Temps” permet par ailleurs de préparer en douceur l’amorce du grand mouvement descendant, que l’on trouve déjà discrètement tout au long des “Embruns”, et qui permet de faire basculer le grand cycle dans sa deuxième moitié.
Phénomènes évoqués musicalement : une vaste étendue de sable, paisible en apparence ; instabilité de ce qui paraissait stable; souplesse et fluidité
J’ai ici réutilisé une idée issue du tout début de “Leading Astray”, Concerto pour Cristal Baschet & Orchestre. Mais alors que dans le Concerto il ne s’agissait que d’un point de départ, ici l’idée se trouve exploitée pour elle-même, sans avoir pour objet de permettre à un soliste d’émerger de l’orchestre. Cela me permet d’aller plus loin, et de rester plus concentré dans mon développement.
Phénomènes évoqués musicalement : vaste grotte en partie immergée ; plongée sous-marine ; en profondeur la vase décantée, les multiples couches de sédiments déposés par les siècles qui se soulèvent et troublent l’eau d’un grand nuage opaque ; enfin, visibilité dans les fonds marins de l’épave d’un grand navire ; remontée vers la surface
Cet Interlude, qui clôture le cycle secondaire des “4 Interludes Pittoresques”, est le seul mouvement de tout le cycle dans lequel je me sois laissé allé à un certain romantisme narratif. En effet, dans le premier tiers, les cuivres y sont même traités, pour un court moment, de manière presque classique !
Pour autant, ce n’est pour moi qu’un prétexte de plus pour explorer ensuite un déchaînement de forces orchestrales, à travers un enchevêtrement de gammes ascendantes puis descendantes sur une octave, qui pourrait ressembler à un échauffement frénétique généralisé de toute la section des cordes, si je n’avais minutieusement tout calé, partie instrumentale par partie instrumentale, afin d’obtenir une synthèse à partir de ce matériau bien connu de tout musicien, que l’on pourrait même qualifier de presque trivial.
Comment, ensuite, apaiser toute cette énergie orchestrale et sortir la tête de l’eau ?…
Dans le cadre des “5 Æncres Marines”, “La Grotte & L’Épave Sous-Marine” suit “Le Phare”, dont la fin, interminable, est presque agonisante, et relance la frénésie orchestrale dans une sorte de pré-climax avant le grand final, “Les Plumes de l’Océan”.
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