Aujourd’hui, une histoire de définition. Mettons au clair la différence entre “instrumentation” et “orchestration”, car les deux termes, souvent confondus, ne sont pourtant pas interchangeables !
Le mieux, si vous avez cet excellent ouvrage, est d’ouvrir le livre Ravel, Souvenirs de Manuel Rosenthal, recueillis par Marcel Marnat, publié chez Hazan, à la page 77. Manuel Rosenthal y raconte comment Maurice Ravel, au détour d’une remarque, lui a fait comprendre la différence, parfois subtile, mais essentielle, entre ces deux termes. En somme pour Maurice Ravel, orchestrer c’est tromper l’auditeur !
Pour l’expliquer avec mes propres mots, disons que l’instrumentation est la sous-partie purement théorique de l’orchestration, englobant en particulier les tessitures d’instruments et leurs limites techniques (respiration, coups d’archets, effets spéciaux, etc.). Cela pourrait donc se résumer simplement, en disant qu’il s’agit de la connaissance des instruments et de leurs particularités.
De l’autre côté, l’orchestration est le versant applicatif, qui se compose non seulement de l’instrumentation — dont on ne saurait se passer —, mais aussi d’une partie plus intuitive, plus créative, plus empirique. C’est cet aspect-là précisément, cette deuxième facette, qui consiste à assembler, dans un contexte musical, les différentes briques acquises en instrumentation, car ces briques n’ont en elle-même aucune valeur artistique et musicale intrinsèque, si ce n’est le savoir pur. C’est bien là qu’entre en jeu l’habileté du compositeur, car chacun adapte l’orchestration à sa sensibilité, avec plus ou moins d’imagination et de savoir-faire. C’est aussi l’usage que chacun fait de cet assemblage, qui définit une partie du style d’orchestration d’un compositeur. L’orchestration est donc l’un des éléments constitutifs de la personnalité et de l’originalité (ou non) d’un compositeur : son style, ses “tics” d’orchestration, éventuellement ses “incorrections”, etc. ; tout cela participe à l’établissement et à la construction d’un langage plus ou moins inventif, plus ou moins inspiré, en somme, d’un idiome créatif propre.
Pour utiliser une métaphore avec une analogie de cuisine, on pourrait dire que l’instrumentation ce sont les ingrédients, et l’orchestration la recette qui permet d’en faire un plat cuisiné, dans lequel on ne discernera plus seulement tel ou tel ingrédient en particulier, mais aussi de nouvelles saveurs, inédites, nées de l’agencement de ceux-ci.
Pour finir par une sorte d’épanadiplose, terminons avec un exemple tout proche de celui choisi par Maurice Ravel pour illustrer sa définition : si vous mettez des pizz., il s’agit plutôt d’instrumentation, mais si vous doublez ces pizz. avec un cor en sons bouchés, vous commencez alors à faire de l’orchestration.