Finale Tire le Rideau de Fin après 35 Ans de Bons et (Plus ou Moins) Loyaux Services

Blog “Dans l’Atelier du Compositeur” & “Sculpteur de Notes”

Finale Tire le Rideau de Fin après 35 Ans de Bons et (Plus ou Moins) Loyaux Services

Finale Tire le Rideau de Fin après 35 Ans de Bons et (Plus ou Moins) Loyaux Services

Des Signes Avant-Coureurs

Le 1er septembre 2022, voilà presque 2 ans, MakeMusic nous annonçait sobrement, à travers un ►billet de blog◄, la révision, largement à la baisse, de leur politique tarifaire, que ce soit pour l’acquisition de nouvelles licences ou des mises à jour, arguant à cet effet que Finale n’était aujourd’hui qu’un outil parmi d’autres dans l’arsenal du musicien, que celui-ci soit compositeur, orchestrateur, arrangeur, pédagogue, interprète…

En soi, cette annonce sentait déjà le sapin pour Finale, après des versions « majeures » numérotées 26 et 27 — respectivement en octobre 2018 et en juin 2021 — pratiquement dépourvues d’améliorations substantielles envers le public originel de Finale : les copistes, éditeurs de musique, mais aussi professeurs, chefs d’orchestres, interprètes, etc. Tout un microcosme, aux besoins parfois variés, dont l’activité dépendait en partie de Finale.

MakeMusic avait déjà recentré peu à peu son cœur de métier vers le marché de l’éducation et de la répétition (je ne vais pas revenir sur le rachat de MakeMusic en 2012), notamment à travers l’acquisition de Weezic en juillet 2015, start-up française proposant un système de partition augmentée dédiée à l’apprentissage de la musique et les pratiques amateur (entre autres), puis la ►mutation de SmartMusic en MakeMusic Cloud◄ en octobre 2022.

Par ailleurs, le blog officiel de Finale était maintenant à l’abandon depuis plus de neuf mois et ►l’annonce de la toute dernière (et ultime) mise à jour incrémentielle◄, la v.27.4.1.

Le Coup de Grâce

C’est donc presque tout naturellement que le premier coup de pelle a retenti hier, lundi 26 août 2024, prenant malgré tout le milieu par surprise et mettant en émoi le petit monde de la musique, qui devait s’attendre à côtoyer Finale et le voir vivoter pendant encore 4 ou 5 ans peut-être, au moins à travers de mises à jour mineures de maintenance.

Ce n’est pas le cas en fin de compte, car MakeMusic a annoncé hier, à travers ►un communiqué des plus secs◄ et même, cavalier à mon avis, la fin du logiciel de notation musicale, tantôt bien-aimé, tantôt détesté, Finale

Ils y reconnaissent sans détour que Finale est totalement dépassé, et que le futur en matière de logiciels de notation musicale se trouve aujourd’hui dans Dorico, Finale, avec ses millions de lignes de code, étant devenu pratiquement in-maintenable.

En soi, rien de bien surprenant quant à cette conclusion, quant on met en perspective la longévité de Finale : 35 ans, une éternité dans le monde du développement logiciel !

En revanche, le caractère abrupt de cette fermeture nous prend tous au dépourvu, car l’utilisateur est ainsi placé devant le fait accompli : le communiqué de presse s’accompagne de la mention très explicite que plus aucune licence ni mise à niveau ne sera disponible à la vente, avec effet immédiat. Bim !

Il n’est donc plus possible aux utilisateurs disposant d’un fonds de projets Finale conséquent (ce qui est mon cas, comme beaucoup d’autres utilisateurs passés ou actuels de Finale) de mettre à jour (moyennant finances) leur ancienne version (dans mon cas, la v.25.5) vers la version 27, afin de disposer de l’exportation au format MusicXML 4.0, plus riche, plus complète et donc, plus précise, que le format MusicXML v.3.1.

Mise à jour : MakeMusic va permettre aux utilisateurs qui ont acheté ou envisagent d’acheter une cross-grade vers Dorico Pro de télécharger Finale v.27, afin de disposer de l’exportation en MusicXML 4.0, la plus robuste et la plus complète.

Plus préoccupant encore : À dater du mois d’août 2025, soit dans à peine un an, il ne sera plus possible d’activer Finale. Autrement dit, si par malheur vous veniez d’acheter une licence ce samedi 24 août 2024 avant ce funeste début de semaine, vous veniez tout simplement de jeter votre argent par les fenêtres en achetant une licence d’utilisation avec date de péremption à échéance proche… sans en être averti au préalable ! Il y a plus élégant comme comportement commercial…

Mise à jour : Dans une mise à jour de son communiqué, et suite aux réactions souvent épidermiques de ses utilisateurs, MakeMusic a décidé de prolonger indéfiniment le serveur d’activation. La raison pour laquelle ils avaient décidé de couper aussi rapidement le serveur en premier lieu m’échappe encore, mais l’essentiel est qu’ils nous aient écouté. Par contre ne soyons pas naïfs, “indéfiniment” ne veut sans doute pas dire plus de 5 ans. Par ailleurs, autre geste de la part de MakeMusic : les utilisateurs qui viennent d’acheter une licence disposent de 30 jours pour se faire rembourser.

Quant aux autres utilisateurs, un peu moins malchanceux à ce niveau, un crash d’ordinateur, une ré-installation du système d’exploitation, un changement de machine, une mise à jour de certains composants matériels ou, tout simplement, une mise à jour incompatible du système d’exploitation (on lorgne de ton côté, Mac…) entraîneront une impossibilité à ré-installer et activer Finale

Un avenir radieux, donc.

Pour le moment, tant qu’il reste possible de télécharger les installateurs dans notre espace en ligne MakeMusic, je recommande à tous les utilisateurs de Finale de veiller à bien télécharger et archiver le paquet d’installation de chaque version dont ils possèdent une licence.

Un Pont vers l’Avenir de la Notation Musicale ► Dorico Pro, de Steinberg

Le côté positif, c’est que MakeMusic, au travers d’un partenariat avec Steinberg (dont les termes nous sont inconnus), désigne explicitement son successeur : Dorico, et non le vieillissant Sibelius ou le gratuit MuseScore.

Steinberg n’ayant, contrairement à Avid, pas opté pour un système d’abonnement, les utilisateurs de Finale qui opteraient pour cette solution se trouveront donc dans une situation connue : la bonne vieille méthode de l’achat d’une licence perpétuelle pour la version majeure en cours, plutôt qu’un crachoir tous les mois.

Tout utilisateur légitime de Finale, en se connectant à son compte MakeMusic (il faut bien sélectionner Log In > Finale & Garritan en haut à droite sur la ►page Web de MakeMusic◄), reçoit ainsi une offre limitée dans le temps pour obtenir une cross-grade vers Dorico Pro à 149 $ (la notion de « limité » n’étant volontairement pas spécifiée. Par ailleurs, le site de MakeMusic étant hébergé aux États-Unis, le prix indiqué est sans doute HT, auquel il faudra probablement ajouter la TVA).

Une offre extrêmement avantageuse, donc, pour acquérir une licence d’utilisation du logiciel de notation musicale Dorico, à la pointe de la technologie (je vous laisse vous reporter à mon article sur ►Comment Bien Débuter Avec Dorico◄, qui aborde notamment la tarification habituelle du logiciel Steinberg et les offres promotionnelles les plus intéressantes généralement constatées).

Mais soyons clairs, car certains utilisateurs se posaient la question : Steinberg et Dorico restent des entités séparées ; il ne s’agit là que d’un accord stratégique, commercial et temporaire, et Finale reste un atout dans le giron de MakeMusic. Aucun autre arrangement d’aucune sorte ne transparaît pour le moment entre Steinberg et MakeMusic, et nous ne pouvons que faire des conjectures quant aux termes exacts de cet échange de procédés : La mise à disposition d’un tarif plus que préférentiel pour tenter de capturer une partie des anciens utilisateurs de Finale se fait sans doute avec la contrepartie de cesser immédiatement toute vente de licences Finale — en tout cas, c’est ce que nous pouvons supposer, avec toutes les réserves de rigueur.

Il est donc totalement à exclure que Steinberg propose dans le futur dans Dorico un outil d’importation ou d’ouverture directe de fichiers .MUS ou .MUSX.

À ce sujet, Michael Good, inventeur du format MusicXML, est d’ailleurs ►intervenu sur le forum officiel de Dorico◄, pour indiquer explicitement que le format MusicXML encode et représente nettement plus de données que le format propriétaire interne de Finale, une bonne partie des détails graphiques étant le fruit de la logique interne du programme lui-même, et non des données proprement dites.

Pour le citer directement, avec ce qui est probablement la phrase la plus importante de son intervention : « Non seulement la création d’un convertisseur Finale représenterait un travail colossal, mais ce serait une véritable perte de temps. Les conversions s’en trouveraient empirées plutôt qu’améliorées. » Voilà de quoi clore tout espoir illusoire de ce côté-là.

Il en va de même, à mon avis, en ce qui concerne l’espoir que nourrissent certains de voir Finale devenir open-source, tant cela me paraîtrait improbable que des problèmes de propriété intellectuelle de certaines portions du code plus ou moins importantes n’émergent.

En revanche, pouvons-nous espérer que l’équipe de Dorico continuera d’améliorer et de rendre plus exhaustive l’importation des fichiers MusicXML ?

Connaissant l’implication de l’équipe de développement de Dorico et le niveau sensationnel de support technique et de prise en compte des suggestions de ses utilisateurs (j’insiste : SENSATIONNEL), j’aurais plutôt bon espoir de ce côté-là.

Et gageons que, pour les futurs utilisateurs qui choisiront de faire le grand saut, la réactivité et le niveau d’écoute de l’équipe de Dorico représentera une excellente surprise et, probablement même, inimaginable pour eux !…

Les Problèmes que cela Engendre

Cette situation engendre néanmoins un certain nombre de problèmes, au premier titre desquels : Comment pérenniser tout un catalogue d’œuvres réalisées sous Finale ? Je pense à tant de collègues, compositeurs, copistes, mais aussi éditeurs de musique, professeurs, qui vont devoir repartir de zéro et trouver une alternative, tout en essayant tant bien que mal de valoriser leurs travaux passés.

Je me souviens encore de la fermeture de feu les Éditions Musicales Européennes (EME), en partie à cause de l’incompatibilité de NoteWriter avec les nouvelles versions de Mac OS X (et d’un format de ficher incompatible avec NoteAbility Pro, le successeur de NoteWriter). Son fondateur avait maintenu, aussi longtemps qu’il lui avait été possible, une machine fonctionnelle mais, inévitablement, le temps et l’obsolescence du matériel l’avaient rattrapé, et ce jour-là, le fonds de partitions était devenu trop important pour envisager la transition vers un système plus récent pour un petit éditeur de musique. Fin de service pour les EME.

Si MakeMusic revenait sur sa décision et que les serveurs d’activation restaient finalement actifs encore 5 ou 6 ans (j’en doute, quoiqu’un message de MakeMusic reçu à l’instant, alors que je m’apprête à publier ce billet, indique explorer activement des pistes…), la transition serait moins brutale, et nous disposerions d’un laps de temps relativement raisonnable pour envisager le passage de flambeau et archiver méticuleusement chacun de nos fichiers Finale, au minimum en format MusicXML et PDF avec, il va de soi, toutes les parties séparées associées.

Mais sur un an à peine, comment allons-nous faire ? Sachant que pour certains d’entre-nous, nous avons plusieurs décennies de travail sous Finale, ce qui représente des milliers, voire dizaines de milliers de fichiers…

Mise à jour : C’est chose faite avecla prolongation indéfinie du serveur d’activation.

La passerelle MusicXML est certes fort utile pour assurer la base de la conversion, mais n’est point exempte de défauts ni de limites, et ne s’accorde pas nécessairement à toutes les modalités d’écriture.

Par ailleurs, encore faut-il qu’à la base, les fichiers Finale aient été soigneusement et proprement préparés (les éléments tels que nuances et textes d’expression correctement assignés aux bonnes portées, l’un des défauts les plus courants hélas des copistes-amateurs peu scrupuleux), sans compter toutes les bidouilles peu catholiques nécessaires pour réaliser certaines notations : trémolos entre deux notes, ligatures à cheval entre les mesures, etc. Autant d’éléments de notation que Dorico réalise en un tournemain, et avec une facilité déconcertante pour tout utilisateur de Finale solidement ancré dans ses habitudes de débrouille !

Côté compatibilité dans la durée, sur Mac ce n’est guère encourageant, lorsque l’on connaît la tendance d’Apple à casser la comptabilité à chaque mise à jour majeure de son système d’exploitation : de ce côté-ci, le compte a rebours a déjà commencé.

Côté Windows en revanche, les perspectives sont un peu moins sombre à moyen et peut-être même long terme. Nous pouvons, de manière optimiste et toutefois réaliste, imaginer que Finale continuera à fonctionner pendant encore un certain nombre d’années, nonobstant la fermeture des serveurs d’activation.

On imagine sans peine les expédients et autres solutions alternatives auxquelles seront contraints d’avoir recours moult utilisateurs légitimes de Finale, dès lors qu’ils ne seront plus en mesure d’activer une nouvelle installation du logiciel…

Les Dommages Collatéraux

Par ailleurs, que de personnes, à travers les années, ont consacré des efforts à améliorer Finale et à le rendre un peu plus utile ou un peu plus facile d’utilisation : Jari Williamsson (les fameux plug-ins gratuits ►« JW »◄, totalement indispensables), Tobias Giesen (les précieux et historiques ►« TGTools »◄), Robert G. Patterson (la ►collection « Patterson Plug-In Collection »◄, mais également le « Copyist’s Helper », très utilisé par les copistes spécialisés dans la préparation de partitions pour la scène new-yorkaise, telles que les comédies musicales de Broadway, et enfin « RGP Lua », successeur du « JW Lua » de Jari Williamsson). Mais aussi, plus récemment, Jan Angermueller (l’incroyable plug-in ►« Perfect Layout »◄) et, du côté des formateurs, Jason Loffredo avec ses tutoriels ►« Conquering Finale »◄, très poussés et gratuits sur Finale. Entre autres !

Autant d’efforts aujourd’hui réduits à néant (même s’il y a déjà longtemps, Tobias Giesen avait de mémoire indiqué avoir quitté le marché des plug-ins pour Finale, pas assez profitable par rapport aux efforts engagés), souvent avec des plug-ins plus coûteux qu’une licence de Finale, à l’image de la version Gold/Publishing House Edition de « Perfect Layout » ! (un comble, quand on a déjà payé 300 € pour un logiciel…)

Quel Choix Feront les Utilisateurs ?

Une fois de plus, depuis 2012, renversement de situation et bouleversement dans le milieu de la Notation Musicale Assistée par Ordinateur : les cartes sont redistribuées une nouvelle fois.

Après le licenciement des développeurs de Sibelius par Avid en 2012 (Aïe !), et le rachat de MakeMusic à peu près à la même époque (Ouille !), puis l’engagement dans la foulée des anciens développeurs de Sibelius par Steinberg pour créer un logiciel de notation musicale moderne (Yes !), puis la concurrence inattendue de MuseScore après son acquisition (Aïe !), voici un énième retournement de situation (et sans doute pas le dernier) : Finale tire sa révérence (Ouille ! Mais Yes !).

Quel choix feront désormais les utilisateurs ?

Ceux qui étaient à cheval entre Finale et Sibelius choisiront-ils Sibelius ?

Ceux qui ne jurent que par le logiciel libre et le gratuit choisiront-ils MuseScore malgré ses limites et son ergonomie ?

Ceux qui ne jurent que par les paradigmes de programmation et le codage type HTML/CSS choisiront-ils LilyPond ?

Ou bien les utilisateurs (à tout le moins, les utilisateurs professionnels) choisiront-ils de passer à Dorico, grâce à la fois à sa supériorité de rendu, d’utilisation, son hybridation avec un séquenceur (DAW) mais aussi, grâce à l’offre imbattable que propose Steinberg aux utilisateurs de Finale ?…

Il est trop tôt pour le dire, car un standard ne le devient que par les faits, et il faudra sans doute des mois, voire un an ou deux, avant que nous ne prenions la pleine mesure des répercussions que cette onde de choc va entraîner. Par ailleurs, la vie étant souvent un mélange ambivalent, toutes les hypothèses envisagées ci-dessus seront sans doute à la fois un peu vraies et un peu fausses.

En attendant, il appartient à chacun de faire le choix qui lui convient le mieux.

Pour le moment, l’émotion, le déni, la colère et, pour les plus résignés, la tristesse dominent les (très nombreuses) réactions des utilisateurs. En apparence, d’après d’anciens employés ayant travaillé, et même récemment, sur le code de Finale, cet état de fait était totalement évitable (et prévisible). Mais les langues se délient, et le capitalisme est son propre maître…

Mais pour ma part, je ne peux que m’interroger quant à l’aveuglement de certaines personnes, qui n’ont pas senti le vent tourner depuis 12 ans (on parle tout de même de plus d’une décennie), notamment face à l’absence de direction claire, de corrections de bugs et de support technique réactif.

Quoi qu’il en soit, la seule certitude que nous avons est l’impermanence de toute chose, et la technologie n’y fait pas exception. Une page se tourne, à la fois pour le pire, mais aussi pour le meilleur.

Comment Aborder Sereinement la Transition de Finale vers Dorico ?

Pour ceux d’entre-vous qui estimeront que Dorico est bel et bien la voie de l’avenir, comme je l’ai fait il y a maintenant presque 8 ans, comment aborder sereinement la transition depuis Finale ?

Ayant déjà effectué ce passage qui, comme tout passage et changement de paradigme, ne se fait pas sans heurts ni sans frictions, je vais réaliser une courte vidéo d’ici quelques jours, afin de vous livrer quelques modestes clés qui vous aideront à commencer la transition en douceur.

Et pour le moment, vous pouvez relire mon article ►Comment Bien Débuter Avec Dorico◄, qui vous orientera vers un certain nombre de ressources.