Sans aller jusqu’à emprunter la première réplique du film Opération Espadon, prononcée par John Travolta : “Le problème à Hollywood, c’est qu’on y fait de la merde”, je constate malheureusement, et de plus en plus souvent, que les bonnes histoires, bien racontées, avec un rythme approprié, se font rares au cinéma.
Certes, les vieux films sont en noir et blanc, ou en couleurs qui bavent un peu, mais lorsque la technique limitait les possibilités, les réalisateurs et scénaristes savaient donner du rythme à leurs films, raconter une bonne histoire en 1h30. Les acteurs et actrices savaient jouer, les dialogues étaient souvent ciselés avec soin. Les défauts des premières pellicules couleur ou la limitation du noir et blanc étaient exploitées avec succès.
La technologie ne permettait pas de retoucher des prises, ou d’élaborer de complexes effets spéciaux (certains demeurent toutefois époustouflants pour l’époque), tout ce qu’avaient les cinéastes était le talent de toutes ces personnes à leur disposition, un talent plus direct : on devait réussir la prise telle quelle, pas de raccordements ultérieurs possibles, les mouvements de caméras devaient être prévus soigneusement : impossible d’effacer des rails de travelling, ou des micros dans le champ.
D’autre part, les films étaient couramment présentés en double séance, d’où une durée essentiellement limitée à 1h30, obligeant à la concision.
Certes, le réalisme pâtissait souvent de ces limitations et de l’air du temps, les clichés faisaient légion, mais après tout le cinéma n’est pas fait pour raconter seulement la réalité mais pour faire rêver et divertir, si possible utilement. Je garde un souvenir incroyable de nombre de vieux films, sûrement aussi parce que le temps a déjà fait son tri.
De nos jours, quel film dure moins de deux heures ? Et souvent plus… Quel film n’utilise pas d’effets spéciaux, ne serait-ce que pour effacer un micro entrant dans le cadre ou incruster un supermarché derrière le personnage alors que la scène a été tournée en studio ?
J’exagère, mais malheureusement la technologie prend de plus en plus le pas sur l’histoire. Le cinéma c’est du divertissement bien sûr, mais c’est surtout raconter des histoires. C’est un peu comme si un écrivain casait toute une liste de mots compliqués dans un roman pour montrer qu’il connaissait ces mots peu employés, indépendamment de la nécessité pour l’histoire d’être racontée avec ces mots. Les bonnes histoires se font rares, les réalisations sont de plus en plus friandes d’effets en tous genres, d’effets sonores diffusés au volume maximum, de scènes de sexe, et d’une longueur démesurée pour au final avoir vu pendant trois heures des explosions et des mecs se tuer entre eux… pour en mettre plein la vue, plein les oreilles, et surtout pas trop dans la tête… après tout, un scénario creux c’est comme un plat raté, il faut bien le faire passer…
On bénéficie aujourd’hui de possibilités incroyables pour retoucher les couleurs (certains réalisateurs en font un brillant usage), pour mettre en jeu des effets de mise en scène et de montage, tout ça pour altérer la perception du spectateur. Il n’empêche que sans histoire, tous ces moyens techniques restent vains.
Exactement comme en composition d’ailleurs : écrire avec ordinateur pourquoi pas, tant qu’on sait ce qu’on fait, et pourquoi on le fait.
Heureusement, les exceptions existent, il y a toujours des personnes talentueuses pour écrire, réaliser, et jouer dans des films de qualité, il est toutefois dommage qu’une grande partie des jeunes générations ne prennent le temps de découvrir l’héritage des vieux films…