1991 : Mona MENDER — Music Manuscript Preparation: A Concise Guide
Introduction
Nous arrivons aujourd’hui au terme de cette Deuxième grande Partie : La Période Intermédiaire — La Copie Manuscrite de Partitions.
En effet, dans ce huitième épisode de la Série Notation & Gravure Musicales au Fil du Temps, nous allons avancer dans le temps et étudier un ouvrage finalement assez tardif, de 1991, alors qu’une partie du monde de la préparation musicale était déjà en train de s’effondrer, remplacée peu à peu par la copie sur ordinateur, avec l’aide de logiciels de notation musicale tels que Finale, une dizaine d’années plus tard Sibelius, et aujourd’hui ►Dorico◄, plus souples que la copie manuscrite.
Ce livre fait donc figure de dernier de son espèce, marquant la fin d’une époque, le rendant presque dérisoire dans son propos par rapport à sa date de parution, puisque les outils qu’il décrit sont déjà en perte de vitesse.
Pourtant, il y a bien des choses à y trouver, c’est pourquoi j’ai souhaité l’inclure dans ce corpus de textes autour de la copie musicale.
Il s’agit de Music Manuscript Preparation: A Concise Guide (Préparation des Manuscrits Musicaux : Un Guide Concis) de Mona Mender, en langue anglaise.
Pour l’anecdote, il y a un petit détail amusant : l’exemplaire de seconde main que j’ai trouvé porte un nom inscrit au crayon sur la première page à l’intérieur.
Il s’avère qu’il s’agirait d’un certain ►Paul Beck qui, à en croire cet article sur le bien-connu blog Scoring Notes, est bibliothécaire d’orchestre à New York (entre autres).
Avant-Propos
Si certains des ouvrages que nous avons couverts jusqu’à présent ont parfois présenté des préfaces et avant-propos à rallonge, parfois même de double-préfaces, Mona Mender s’illustre dès ce premier contact par sa concision : à peine deux paragraphes.
Elle exprime l’objet de son Guide : donner les instructions nécessaires pour permettre au compositeur (notamment le compositeur de musique contemporaine) de préparer ses propres manuscrits musicaux sans recourir aux dispendieux services d’un copiste musical. La clarté lui permettra ainsi de passer entre les mailles du rejet, de la déception et faire gagner du temps et de l’énergie à tout le monde : interprètes, critiques musicaux et professeurs.
Partie I : Équipement et Fournitures
Est-il nécessaire de revenir, une fois de plus, sur le matériel et les fournitures nécessaires dans nos notes de lecture ? Je ne pense pas.
En tout cas, nous y trouvons tous les détails sur les stylos, crayons, encres, papiers à musique (le travail sur papier transparent se fait sur du papier à musique spécial, dont les portées sont imprimées sur le côté opposé à la face de travail, pour éviter d’endommager les lignes des portées lors de la correction des erreurs), règles, buvards (nécessaires uniquement pour absorber l’encre immédiatement en cas d’erreur, éviter que le papier ne se gorge d’encre et faciliter la correction), gommes et effaceurs, bande adhésive (scotch) et colle, lame de rasoir (principalement pour gratter le papier et corriger les erreurs peu étendues), et tout un tas d’équipements additionnels et optionnels.
Partie II : Notation
Mona Mender commence par exposer 6 grands principes de la notation musicale, selon elle.
- La barre de mesure à la fin d’un système ne doit pas être segmentée : personnellement, je suis contre ce principe, qui heurte la lisibilité et la séparation visuelle immédiate des familles d’instruments dans la nomenclature.
- Une portée ne doit pas commencer avec un signe de répétition (le symbole « % ») : en effet, chaque début de portée devrait signaler explicitement de nouveau la mesure à répéter.
- Un espace pour les tournes doit être ménagé en bas des pages de droite.
- Le comptage des mesures est indispensable.
- Le stylo doit être tenu avec une main détendue.
- La clarté est l’ingrédient le plus important.
Je suis d’accord avec 5 de ces 6 règles, mais hormis la dernière, ce n’est pas nécessairement celles que j’aurais choisies en priorité.
S’ensuit une discussion sur les têtes de notes, hampes, clusters, unissons altérés (je préfère toutefois la notation en « hampes scindées », plus claire à mes yeux), silences, altérations, ligatures, n-olets, drapeaux (« crochets »), points de prolongation, clefs, portées, lignes supplémentaires, divisi, la barre de mesure, crochets et accolades, trémolos et structures de répétition, répliques et petites notes (notes d’agrément), armure, indicateur ou chiffrage de mesure, liaison de prolongation, de legato et de phrasé/expression, nuances, indications expressives et articulation, tempo, pauses et césures, ornements, accords, indications de divisi, lignes de pédales, numéros de mesures.
Si les indications que nous fournit Mona Mender sont censées, pour la plupart, je trouve assez confuse toute cette section d’un point de vue structurel, puisque la discussion à propos de certains éléments se trouve disséminée dans plusieurs sous-sections (les clusters, les armures, les n-olets, pour ne donner que quelques exemples).
Partie III : Préparatifs Généraux
Mona Mender ouvre ce chapitre sur une section développant le principe souverain de clarté.
Elle nous parle ensuite de la nomenclature (la liste des instruments), des instruments transpositeurs, du début de l’œuvre, indications textuelles (tempo, nuances, changements d’instrument), numéros de mesure ou lettres de repères (dans son exemple, ambigu, il semble que l’auteur recommande de numéroter toutes les mesures — en tout cas, c’est ce que je comprends de son exemple musical), silences, structures de reprises et répétition, formatage en fonction du type de nomenclature, astuces.
Pour ce chapitre encore, j’émets la même réserve qu’au chapitre précédent : le problème n’est pas le contenu que la structure, qui me laisse plus confus qu’autre chose. La plupart des ouvrages que nous avons étudiés jusqu’à présent me paraissent mieux organisés.
Partie IV : L’Art du Repérage (traduction libre de « Cueing »)
Dans ce court chapitre, Mona Mender nous donne des recommandations et conseils pour bien présenter et choisir nos répliques dans les parties séparées. En effet, pour moi, les répliques sont indispensables sur tout matériel de qualité, hors exceptions (lorsque le risque de confusion s’accroîtrait avec l’usage de répliques ambiguës, mieux vaut rester sur le seul compte, par exemple).
Partie V : Instruments
Dans ce chapitre, l’auteur regarde les spécificités des différentes familles d’instruments : Cordes Frottées (coups d’archets, arco, pizzicato, etc.), Bois et Cuivres (sourdines, notamment), Percussion (notation des instruments à hauteur indéterminée, liaisons de « laissez vibrer », etc.), Voix, Instruments Multi-Portées (Piano, Harpe notamment pédales et glissandos, Clavecin, Célesta, Orgue)…
Rien d’extraordinaire ni de très détaillé dans ce chapitre, qui ne saurait tenir lieu de Traité d’instrumentation et d’orchestration, mais quelques bases générales.
Partie VI : Musique Contemporaine
Plus intéressant, ce chapitre discute de et nous montre des exemples de notation musicale contemporaine : notation proportionnelle, graphique, musique électronique, musique aléatoire, symboles (aïe ! Les symboles s’avèrent presque toujours, de mon expérience, ambigus au possible, même lorsque leur auteur croit qu’ils sont explicites dans leur sens), hampes scindées, notation « boîtes », chiffrages de mesures (là aussi, ces informations sont datées à mes yeux, et je recommande fortement de s’en tenir à la notation éprouvée), ligatures en soufflet (accelerando et ritardando), note la plus aiguë/grave, hauteur indéterminée, micro-tonalité, clusters.
Mona Mender insiste sur l’importance de ne recourir à de nouveaux types de notation qu’en l’absence de possibilité de représenter la musique via la notation musicale traditionnelle. Elle nous donne des références de lectures additionnelles pour qui souhaiterait approfondir le sujet.
Mais c’est aussi dans ce chapitre que l’auteur évoque les spécificités de notation de la musique « populaire » (jazz, folk, country, blues, etc.), effets « jazz » (growl, bend, lip-slur, shake, du, doit), les « Lead Sheets », partitions pour orchestre d’harmonie.
Enfin, Mona Mender parle des Conducteurs condensés (« booth » ou « production part », pour « Conducteur cabine » ou « Conducteur de production »), dont l’usage est particulièrement répandu en musique commerciale (musique de danse pour les boîtes de nuit, sessions d’enregistrement, musique de film ou de télévision, etc. Autant d’informations qui proviennent probablement de ►l’ouvrage de Clinton Roemer◄, que nous avons lu précédemment.
Elle poursuit avec les parties de Piano-Conducteur, parties Vocales, parties de Percussion, parties de Piano, parties de Violons (en musique commerciale, les parties de Violons sont généralement appelées « A », « B », « C », « D » et sont regroupées sur une seule partie séparée : j’ajoute que c’est la pratique courante en musique de film — quoique pas systématiquement, car je suis à peu près certain d’avoir vu, au gré d’un documentaire ou d’une « featurette » publicitaire que les parties de Violon chez John Williams son bel et bien séparées entre Violons I et Violons II), diagrammes d’accords de Guitare, notation « slash », notation « Tab »…
Partie VII : Relecture par Comptage des Mesures
Il s’agit dans ce chapitre-ci de relecture et de comptage des mesures. Mona Mender recommande par ailleurs de préparer une fiche de relecture indiquant la partie instrumentale relue, le statut de la vérification et le nom du relecteur, pour garder la trace de l’état de relecture. En effet, c’est une pratique de bon sens, afin de s’assurer que toutes les parties instrumentales ont bien été relues.
Elle suggère également de créer une feuille résumée comportant les numéros de mesures, changements de tempo, et tous les grands éléments structurels, puis de comparer les parties séparées contre cette feuille récapitulative plutôt que contre le score. C’est une excellente idée.
Tout comme ►Anthony Donato◄ et ►Alan Boustead◄ avant elle, Mona Mender indique que toute faute est corrigée dans la marge et une ligne tirée jusqu’à l’emplacement de l’erreur sur la page.
Partie VIII : Duplication des Manuscrits
L’auteur parle ici des procédés de ►diazoscopie◄, l’impression « offset », le photocopieur de bureau, la reliure (agrafage, reliure cousue, reliure avec de la bande de tissu adhésif, ►reliure « en accordéon »◄).
Annexes : Exemples de Manuscrits Musicaux
Ce gros chapitre de plus de 60 pages est très intéressant puisqu’il nous présente, avec peu de mots, des exemples de partitions dans divers genres musicaux, y compris des parties séparées, souvent avec quelques indications générales du compositeur.
Bibliographie
Ici, Mona Mender ne se contente pas de dresser la liste d’ouvrages sur la copie et la préparation musicales : elle rédige également quelques lignes pour décrire l’intérêt de chacun d’eux.
En Conclusion : Mon Avis sur ce Livre
Ce que j’apprécie dans ce livre, c’est surtout la richesse et la diversité des exemples musicaux que nous présente l’auteur dans les substantielles Annexes.
Par ailleurs, au-delà des passages obligés, Mona Mender aborde des éléments rarement voire jamais évoqués dans nos lectures précédentes, en particulier en ce qui concerne certains types de notation musicale contemporaine.
Toutefois, comme je l’ai de trop nombreuses relevé, à mes yeux la structure de l’ouvrage est confuse : la faute, peut-être, à une hiérarchisation trop profonde des chapitres, sections et sous-sections, et du saupoudrage de la discussion de certains éléments sur plusieurs endroits.
À mon avis, ce livre n’est donc pas une lecture indispensable, d’autant qu’à l’époque de sa parution il était déjà daté, comme je l’ai déjà relevé, pour une époque charnière qui a vu l’avènement de la préparation musicale par ordinateur. Il est donc préférable, je pense, de lire d’abord les ouvrages dans lesquels l’information est mieux présentée.
Ainsi s’achève la Deuxième grande Partie de cette Série consacrée à la notation, la copie et la gravure musicales sous toutes leurs formes : La Période Intermédiaire — La Copie Manuscrite de Partitions.