Si vous avez besoin d’un certain degré de flexibilité et de rubato naturel, vous pouvez diriger la musique en « timing libre ». L’intérêt principal de cette méthode réside dans la possibilité de rendre la musique plus vivante, de lui pourvoir une fraîcheur faisant défaut aux enregistrements réalisés au moyen d’une piste de clics.
Vous pouvez donc diriger la partition complètement librement, s’il s’agit d’un court morceau, ou en utilisant une horloge / un chronomètre. Évidemment, si de nombreux points de synchronisation sont présents, en particulier des dead hit points, ou de nombreux changements de tempo, cette technique est déconseillée, mais cela reste une alternative aux horizons intéressants pour des morceaux vraiment basiques, dépourvus de toute complexité.
Si vous cherchez une technique plus organique qu’une piste de clics pour enregistrer votre musique, mais que les nécessités du morceau vous interdisent l’utilisation d’une horloge, il vous reste l’un des meilleurs dispositifs pour parvenir à une grande précision, tout en permettant de laisser une vie musicale à la partition : il s’agit du système dit des « flutters, punches and streamers » (clignotements, perforations et bandes) !
Les « flutters » (aussi appelés « flutter punches » ou encore « reference punches ») sont des flashs (en général un seul, ou en séquence de trois, cinq ou sept, séparés par une image non traitée entre chaque), indiquant un endroit particulier dans le morceau, une barre de mesure, mais en tout cas pas un point de synchronisation serrée (dead hit), davantage pour indiquer un simple repère au chef d’orchestre lui permettant de savoir s’il prend de l’avance ou du retard.
Exemple d’une grappe de « flutters »
Ce système est également connu sous le nom de « Système Newman » (car Alfred Newman, directeur musical du département musique des studios de la Twentieth Century Fox de 1939 à 1960, passe pour être l’inventeur de cette technique). À l’origine les flutters étaient obtenus en faisant des trous dans la pellicule au moyen d’une perforeuse, ce qui avait pour effet de produire un flash lumineux lorsque l’image passait devant la lampe du projecteur.
Sur la partition, les flutters s’indiquent par une croix simple, ou par une croix inscrite dans un cercle, placée au-dessus des portées, à l’endroit exact où les flutters seront affichés.
Les « punches and streamers » sont une façon plus évoluée d’indiquer les points de synchronisation, souvent utilisés en combinaison avec des flutters.
Une bande traverse l’écran de gauche à droite, permettant au chef d’orchestre de préparer le synchronisme, et lorsque la bande arrive au bout de l’écran, un flash lumineux se produit, à l’image précise où le point de synchronisation est placé.
Exemple d’un « streamer », suivi d’un « punch »
À l’aube de la musique de film, la bande était en fait un trait tiré sur la pellicule (c’est pourquoi la ligne était traditionnellement inclinée) pour une longueur de trois pieds (2 secondes), quatre pieds (2,67 secondes, la durée utilisée par John Williams !), ou cinq pieds (3,33 secondes). Les punches and streamers peuvent revêtir différentes couleurs (en général jaune pour indiquer le compte à rebours, vert pour le début du morceau, bleu pour indiquer une interruption dans les clics, et rouge pour la double barre de fin, alors que le blanc sert pour tous les points intermédiaires, mais n’importe quelle couleur peut être utilisée selon les préférences du chef d’orchestre).
Sur la partition, les streamers s’indiquent par un T couché, au-dessus du système, la barre de fin prenant place exactement au point de synchronisation où le punch apparaîtra.
Vous pouvez bien sûr tout à fait utiliser des flutters, punches and streamers avant le processus de composition, si vous écrivez avec Finale, Sibelius, Digital Performer ou un autre logiciel de notation musical ou séquenceur. Si vous définissez des points-clés et générez une copie de travail des morceaux, lors de votre travail dans votre logiciel, vous pourrez ensuite aisément savoir où vous envisagiez ou désiriez fermement souligner un élément présent à l’image, sans avoir à vous reporter à chaque seconde à vos notes de repérage de timing (spotting notes).
Un dernier mot avant de terminer cet article et cette série sur la synchronisation en musique de film : nous venons d’évoquer séparément les techniques de synchronisation les plus répandues et mobilisables, mais il est parfaitement envisageable de les combiner, en commençant par exemple l’introduction tranquille d’un morceau avec des punches and streamers, avant de passer à des clics pour une section plus exigeante, et terminer en dirigeant avec un simple chronomètre.
Voici maintenant un exemple en vidéo. Reprenons la même cue que la dernière fois, tirée de ma partition de ciné-concert pour “Nosferatu, Une Symphonie de l’Horreur” :
(Exemple généré avec “Punches & Streamers Studio”, mon propre logiciel de « punches & streamers »)
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